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INTÉGRER LE MODÈLE FEAR-AVOIDANCE DANS L’APPROCHE DE LA DOULEUR DES ERGOTHÉRAPEUTES
INTÉGRER LE MODÈLE FEAR-AVOIDANCE DANS L’APPROCHE DE LA DOULEUR DES ERGOTHÉRAPEUTES
potentiels lorsque le protocole est terminé. Ils mentionnent aussi le fait qu’il est presque impossible de
mesurer ou de remarquer toutes les réponses
inconscientes en lien avec l’appréhension des mouvements (ex. : mouvements de garde/protection,
contraction musculaire à l’approche d’un événement,
autres), ce qui a le potentiel de faciliter l’expérience
de la douleur et potentiellement d'augmenter les
risques de blessures.
Ces chercheurs nomment aussi le fait que GExp a un
effet de généralisation limité à l’intérieur du contexte
de réadaptation puisque les activités sont faites dans
un contexte contrôlé, pas nécessairement similaire à
l’environnement où la personne devra évoluer
ensuite. Ces derniers points demeurent à être confirmés puisque de Jong (2010) mentionne l’opposé. Or,
Trost et Parsons (2014) soulèvent de bonnes questions et proposent des améliorations du protocole
GExp existant sous forme de réalité virtuelle (Virtual
Reality-based intervention - VRGET). D’autres études
sont aussi menées au même titre, pour des diagnostics douloureux différents (Roosink et coll., 2015;
Roman, Llobera et Blanke, 2015), faisant de la réalité
virtuelle une perspective de recherche et d'intervention intéressante.
IMPLICATION DE LA DOULEUR DANS LA PRATIQUE
DE L’ERGOTHÉRAPEUTE
Bien que le GExp sous le modèle FAM ne soit pas sans
failles et n’explique pas tous les phénomènes de la
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DC, il reste que nous pouvons retirer des éléments
positifs et constructifs de l’approche. Premièrement,
non seulement le fait d’utiliser des activités signifiantes (via le PHODA) donne des pistes d’interventions, mais cela a aussi le potentiel de donner le
même message de discours empathique auprès des
clients, qui est grandement bénéfique dans plusieurs
aspects de la réadaptation au même titre que
d’orienter les buts sur des éléments signifiants pour
le client (Vlaeyen et Linton, 2012; Vlaeyen, Morley,
Linton, Boersma, et de Jong, 2012; Robinson, Kennedy et Harmon, 2012).
En second lieu, le fait d’impliquer les individus importants pour le client dans son éducation maximise les
chances de succès de la thérapie (de Jong, 2010).
Ceci met en relief l’importance d’inclure plusieurs
sphères (ici sociale et culturelle) dans le plan de
réadaptation. Ensuite, GExp expliqué par le FAM nous
rappelle l’importance de bien identifier la population
DC avec laquelle nous travaillons. En effet, chez la
population évitante, il est important de bien peser le
message que nous véhiculons aux sujets. Par
exemple, il est important de bien balancer la pertinence de rapporter une anomalie sous forme d’imagerie afin d’éviter une avalanche de pensées négatives, surtout si cette anomalie ne devrait pas avoir
d’impact significatif et/ou fonctionnel (Pelletier,
Higgins et Bourbonnais, 2015). Du côté de l’ergothérapie, nous devrions aussi nous poser la question si
l’enseignement de positionnements ergonomiques à
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lui seul est suffisant/adéquat et s’il peut, à l’inverse,
encourager davantage l’attention portée sur la douleur et l’amplifier (Pelletier, Higgins et Bourbonnais,
2015; Manchikanti, Singh, Datta, Cohen et Hirsh,
2009). Chez le sujet évitant, il serait plutôt encouragé
d’explorer une approche top-down, où les composantes de la douleur (détresse psychologique, cognitions altérées/disproportionnées, etc.) plutôt que la
douleur elle-même sont traitées (ex. : interventions
de type cognitivo-comportementales, affectives) afin
de restructurer les cognitions altérées, remodeler les
comportements mésadaptés ainsi que diminuer
l’importance portée à la douleur plutôt que de se
concentrer sur le signal de douleur périphérique
(Pelletier, Higgins et Bourbonnais, 2015; Nicholas,
Linton, Watson et Main, 2011). À noter qu’une
approche bottom-up (ex. : massage pour détendre
les muscles, médication antalgique) peut être une
approche intéressante lorsqu’utilisée à court terme,
par exemple si elle aide à la participation à des activités.
Troisièmement, bien connaître les mécanismes
sous-jacents de la douleur ainsi que les principes de
chronicisation aide non seulement lors de l’éducation
faite au client, mais augmente aussi le niveau de
confiance du thérapeute lors de la prise en charge de
personnes présentant un e DC, en plus de permettre
de mieux les orienter vers le choix thérapeutique
approprié (van Koulil et coll., 2010; Nicholas, Linton,
Watson et Main, 2011; Hasenbring et Verbunt, 2010;
Cane, Nielson, McCarth et Mazmanian, 2013). Aussi,
une seule séance d’éducation peut avoir des effets
positifs sur les fausses croyances et pensées, si réalisée de manière adéquate (de Jong, 2010; Nicholas,
Linton, Watson et Main, 2011). Ceci est d’autant plus
pertinent lorsque nous pouvons inclure les autres
personnes pertinentes pour la personne dans le
processus. Il est donc de notre mandat, en tant que
professionnel de la santé, de posséder de bonnes
connaissances afin d’être en mesure de généraliser
notre compréhension de la douleur dans l’histoire de
notre client, en plus d’avoir les habiletés et la
confiance nécessaires pour appliquer les principes
d’intervention de restructuration cognitive et comportementale.
Quatrièmement, même si l’éducation du client est
essentielle, il reste que l’exposition proposée par le
GExp est autant importante chez la population DC
évitante. Comme mentionné précédemment,
l’apprentissage et la généralisation des acquis au
quotidien se fait de manière plus importante lorsque
l’attitude implicite de la douleur est sollicitée et retravaillée (de Jong, 2010). Ceci dit, il est important en
tant que professionnel de la santé d’avoir une bonne
connaissance des pathologies présentées afin d’éviter des mouvements proscrits lors de la présence
d’une physiopathologie où le dit mouvement est
interdit (Vlaeyen et Linton, 2012; Vlaeyen, Morley,
Linton, Boersma, et de Jong, 2012).
Finalement, l’utilisation de certaines techniques
typiquement utilisées (mais non réservées) par des
psychothérapeutes comme le Active Commitment
Therapy et le Mindfulness Based Stress Reduction
Therapy nous donne non seulement plus d’outils
avec lesquels nous pouvons travailler avec le client
DC, mais aussi plus de confiance et ultimement
donne de meilleurs résultats (Veehof, Oskam,
Schreurs et Bohlmeijer, 2011; Nicholas, 2015). Ces
techniques peuvent aider le thérapeute à savoir
quelles sortes de comportements et pensées sont à
observer et à inclure dans l'intervention (ex. : expressions non verbales de la douleur comme toucher le
site de la douleur ou froncer les sourcils), mais nous
donnent aussi une idée sur la façon d'encourager le
comportement sain et positif (ex. : encourager à ne
pas toucher le site de la douleur, comment détourner
l’attention).
DIRECTIONS POUR LES RECHERCHES FUTURES
Les récentes avancées en DC nous suggèrent qu’une
approche top-down est à considérer dans certains
cas de DC puisque c’est de cette manière que les
changements physiologiques et biochimiques au
niveau des structures nerveuses centrales observés
chez les populations DC peuvent être retournés au
niveau dit « sain » (Pelletier, Higgins et Bourbonnais,
2015; Seminowicz et coll., 2011; Seminowicz et coll.,
2013). Il est aussi mentionné que ces connaissances
devraient être appliquées dans un contexte de douleur aigüe afin de prévenir la transition vers la
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