erg-go! REVUE DES ERGOTHÉRAPEUTES DU QUÉBEC AUTOMNE2016_NO.9 | Page 12

RECHERCHE [ SUITE ] RECHERCHE [ SUITE ] INTÉGRER LE MODÈLE FEAR-AVOIDANCE DANS L’APPROCHE DE LA DOULEUR DES ERGOTHÉRAPEUTES INTÉGRER LE MODÈLE FEAR-AVOIDANCE DANS L’APPROCHE DE LA DOULEUR DES ERGOTHÉRAPEUTES potentiels lorsque le protocole est terminé. Ils mentionnent aussi le fait qu’il est presque impossible de mesurer ou de remarquer toutes les réponses inconscientes en lien avec l’appréhension des mouvements (ex. : mouvements de garde/protection, contraction musculaire à l’approche d’un événement, autres), ce qui a le potentiel de faciliter l’expérience de la douleur et potentiellement d'augmenter les risques de blessures. Ces chercheurs nomment aussi le fait que GExp a un effet de généralisation limité à l’intérieur du contexte de réadaptation puisque les activités sont faites dans un contexte contrôlé, pas nécessairement similaire à l’environnement où la personne devra évoluer ensuite. Ces derniers points demeurent à être confirmés puisque de Jong (2010) mentionne l’opposé. Or, Trost et Parsons (2014) soulèvent de bonnes questions et proposent des améliorations du protocole GExp existant sous forme de réalité virtuelle (Virtual Reality-based intervention - VRGET). D’autres études sont aussi menées au même titre, pour des diagnostics douloureux différents (Roosink et coll., 2015; Roman, Llobera et Blanke, 2015), faisant de la réalité virtuelle une perspective de recherche et d'intervention intéressante. IMPLICATION DE LA DOULEUR DANS LA PRATIQUE DE L’ERGOTHÉRAPEUTE Bien que le GExp sous le modèle FAM ne soit pas sans failles et n’explique pas tous les phénomènes de la 12 DC, il reste que nous pouvons retirer des éléments positifs et constructifs de l’approche. Premièrement, non seulement le fait d’utiliser des activités signifiantes (via le PHODA) donne des pistes d’interventions, mais cela a aussi le potentiel de donner le même message de discours empathique auprès des clients, qui est grandement bénéfique dans plusieurs aspects de la réadaptation au même titre que d’orienter les buts sur des éléments signifiants pour le client (Vlaeyen et Linton, 2012; Vlaeyen, Morley, Linton, Boersma, et de Jong, 2012; Robinson, Kennedy et Harmon, 2012). En second lieu, le fait d’impliquer les individus importants pour le client dans son éducation maximise les chances de succès de la thérapie (de Jong, 2010). Ceci met en relief l’importance d’inclure plusieurs sphères (ici sociale et culturelle) dans le plan de réadaptation. Ensuite, GExp expliqué par le FAM nous rappelle l’importance de bien identifier la population DC avec laquelle nous travaillons. En effet, chez la population évitante, il est important de bien peser le message que nous véhiculons aux sujets. Par exemple, il est important de bien balancer la pertinence de rapporter une anomalie sous forme d’imagerie afin d’éviter une avalanche de pensées négatives, surtout si cette anomalie ne devrait pas avoir d’impact significatif et/ou fonctionnel (Pelletier, Higgins et Bourbonnais, 2015). Du côté de l’ergothérapie, nous devrions aussi nous poser la question si l’enseignement de positionnements ergonomiques à Erg-go! REVUE DES ERGOTHÉRAPEUTES DU QUÉBEC AUTOMNE 2016_NO.9 lui seul est suffisant/adéquat et s’il peut, à l’inverse, encourager davantage l’attention portée sur la douleur et l’amplifier (Pelletier, Higgins et Bourbonnais, 2015; Manchikanti, Singh, Datta, Cohen et Hirsh, 2009). Chez le sujet évitant, il serait plutôt encouragé d’explorer une approche top-down, où les composantes de la douleur (détresse psychologique, cognitions altérées/disproportionnées, etc.) plutôt que la douleur elle-même sont traitées (ex. : interventions de type cognitivo-comportementales, affectives) afin de restructurer les cognitions altérées, remodeler les comportements mésadaptés ainsi que diminuer l’importance portée à la douleur plutôt que de se concentrer sur le signal de douleur périphérique (Pelletier, Higgins et Bourbonnais, 2015; Nicholas, Linton, Watson et Main, 2011). À noter qu’une approche bottom-up (ex. : massage pour détendre les muscles, médication antalgique) peut être une approche intéressante lorsqu’utilisée à court terme, par exemple si elle aide à la participation à des activités. Troisièmement, bien connaître les mécanismes sous-jacents de la douleur ainsi que les principes de chronicisation aide non seulement lors de l’éducation faite au client, mais augmente aussi le niveau de confiance du thérapeute lors de la prise en charge de personnes présentant un e DC, en plus de permettre de mieux les orienter vers le choix thérapeutique approprié (van Koulil et coll., 2010; Nicholas, Linton, Watson et Main, 2011; Hasenbring et Verbunt, 2010; Cane, Nielson, McCarth et Mazmanian, 2013). Aussi, une seule séance d’éducation peut avoir des effets positifs sur les fausses croyances et pensées, si réalisée de manière adéquate (de Jong, 2010; Nicholas, Linton, Watson et Main, 2011). Ceci est d’autant plus pertinent lorsque nous pouvons inclure les autres personnes pertinentes pour la personne dans le processus. Il est donc de notre mandat, en tant que professionnel de la santé, de posséder de bonnes connaissances afin d’être en mesure de généraliser notre compréhension de la douleur dans l’histoire de notre client, en plus d’avoir les habiletés et la confiance nécessaires pour appliquer les principes d’intervention de restructuration cognitive et comportementale. Quatrièmement, même si l’éducation du client est essentielle, il reste que l’exposition proposée par le GExp est autant importante chez la population DC évitante. Comme mentionné précédemment, l’apprentissage et la généralisation des acquis au quotidien se fait de manière plus importante lorsque l’attitude implicite de la douleur est sollicitée et retravaillée (de Jong, 2010). Ceci dit, il est important en tant que professionnel de la santé d’avoir une bonne connaissance des pathologies présentées afin d’éviter des mouvements proscrits lors de la présence d’une physiopathologie où le dit mouvement est interdit (Vlaeyen et Linton, 2012; Vlaeyen, Morley, Linton, Boersma, et de Jong, 2012). Finalement, l’utilisation de certaines techniques typiquement utilisées (mais non réservées) par des psychothérapeutes comme le Active Commitment Therapy et le Mindfulness Based Stress Reduction Therapy nous donne non seulement plus d’outils avec lesquels nous pouvons travailler avec le client DC, mais aussi plus de confiance et ultimement donne de meilleurs résultats (Veehof, Oskam, Schreurs et Bohlmeijer, 2011; Nicholas, 2015). Ces techniques peuvent aider le thérapeute à savoir quelles sortes de comportements et pensées sont à observer et à inclure dans l'intervention (ex. : expressions non verbales de la douleur comme toucher le site de la douleur ou froncer les sourcils), mais nous donnent aussi une idée sur la façon d'encourager le comportement sain et positif (ex. : encourager à ne pas toucher le site de la douleur, comment détourner l’attention). DIRECTIONS POUR LES RECHERCHES FUTURES Les récentes avancées en DC nous suggèrent qu’une approche top-down est à considérer dans certains cas de DC puisque c’est de cette manière que les changements physiologiques et biochimiques au niveau des structures nerveuses centrales observés chez les populations DC peuvent être retournés au niveau dit « sain » (Pelletier, Higgins et Bourbonnais, 2015; Seminowicz et coll., 2011; Seminowicz et coll., 2013). Il est aussi mentionné que ces connaissances devraient être appliquées dans un contexte de douleur aigüe afin de prévenir la transition vers la [suite page 14] Erg-go! REVUE DES ERGOTHÉRAPEUTES DU QUÉBEC AUTOMNE 2016_NO.9 13