Ensemble intercontemporain 2015-16 musical season Brochure de saison 2015-2016 | Page 67
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Explorer en images l’héritage
d’Antonin Artaud
avec LE COLLECTIF 33 1/3
Vous concevez actuellement un dispositif
vidéo original pour Concerto "Séraphin"
(2008), une œuvre du compositeur allemand Wolfgang Rihm, inspirée par l’essai d’Antonin Artaud, Le Théâtre et son
double / Le Théâtre de Séraphin. Le titre
de votre projet, No More Masterpieces,
est aussi une référence à cette œuvre.
Est-ce que vous travaillerez à partir de
ces textes ? Ou plutôt à partir de l’œuvre
de Rihm, qui a cherché à composer de
manière intuitive en se laissant inspirer
par la vie et l’œuvre d’Artaud ?
Nous travaillerons aussi bien avec les
textes d’Antonin Artaud qu’avec la musique de Wolfgang Rihm. Et s’il est très
intéressant de se placer à la fois sur un
plan théorique, avec le texte, et sur un
plan pratique avec l’interprétation de la
musique, nous envisageons surtout d’intervenir sur les différentes « matières »
visuelles de manière brute et physique.
Et ce qu’il y a de passionnant avec ces
deux approches, musicale et textuelle,
c’est qu’elles nous permettent de saisir
cette pièce par deux entrées différentes.
C’est d’ailleurs ce qui rend cette aventure
artistique très stimulante. En revanche,
s’il y a bien une chose dont nous sommes
certains, c’est qu’il n’y aura pas de trame
narrative..
Le titre No More Masterpieces est issu
du chapitre du Théâtre et son double
intitulé « Pour en finir avec les chefsd’œuvre ». Pourquoi avoir opté pour ce
titre ? Cela a-t-il un sens particulier pour
vous ?
Tout d’abord cette référence est déjà présente dans la pièce Concerto "Séraphin".
Ensuite, il faut bien dire que les mots utilisés par Antonin Artaud nous ont séduits
tout autant que ses actes et ses critiques
émises à l’encontre de l’ordre établi de
son époque. Sans omettre, surtout, sa recherche empirique d’une expression humaine radicale, sans compromis. Au sein
de notre collectif, nous croyons dans les
paradoxes de l’être humain et en la manière dont ils apparaissent dans l’œuvre
d’Antonin Artaud.
Quant au titre lui-même, aussi ambivalent qu’il puisse sonner, ce n’est pas
qu’une déclaration de principe. Il tient au
fait que nous avons tous déjà vu beaucoup
de belles pièces classiques bien interprétées dans des salles de concert... Nous
essayons donc, non pas de présenter une
énième œuvre à un public déjà très cultivé
– surtout à Paris –, mais au contraire d’inventer une proposition artistique. De cette
façon, nous cherchons à nous adresser à
un nouveau public, issu d’autres catégories socioculturelles. En somme, il nous
apparaît important de remettre l’expérience de l’art, telle qu’éprouvée par le
public, au cœur de notre proposition.
Vous allez réaliser une performance visuelle live. De quelle manière allez-vous
intervenir ? Allez-vous manipuler des
images en direct ?
Nous ne sommes ni acteurs, ni musiciens,
ni même techniciens. Pour nous, tout
l’élan, toute l’énergie reposent dans la
création elle-même. De plus, l’Ensemble
intercontemporain peut parfaitement
exécuter le concerto sans nous. Et comme
la musique est déjà écrite, nous ne voyons
aucun avantage à manipuler les images
en direct. Concrètement, notre travail
consistera à projeter un film sur un écran
cinétique dont les dimensions et la forme
pourront changer, en passant par exemple
d’une surface 2D à un objet 3D. Cela faisait
un certain temps que nous voulions faire
quelque chose qui soit plus proche d’un
film ou d’une installation cinématographique que d’une performance visuelle
pour un concert – forme que nous pratiquons déjà beaucoup.
Propos recueillis par
Sébastien Lecordier