Ensemble intercontemporain 2015-16 musical season Brochure de saison 2015-2016 | Page 54

54 OUVRIR PORTES ET FENÊTRES Cahier découvertes MUSIQUE AUGMENTÉE à la Gaîté lyrique L’Ensemble intercontemporain et la Gaîté lyrique, lieu pluridisciplinaire dédié aux cultures contemporaines à l'ère du numérique, vous proposent une expérience inédite : découvrir en quatre rendez-vous l’univers de création d’une compositrice d’aujourd’hui, Patricia Alessandrini. Le titre de ce parcours original, « Musique augmentée » lui va comme un gant tant cette artiste multiplie les collaborations avec des performers, plasticiens et cinéastes, et réalise des œuvres associant multimédia, installations et formes participatives. Pour elle, la musique n’est pas que son : elle est image, geste, corps, voix, mot, vibration, le tout étroitement mêlé, ou plutôt tissé dans des compositions qui transcendent frontières entre écrit et improvisé, concert et installation, tradition et révolution. À chaque étape, à mi-chemin entre concert et atelier participatif ouvert à l’échange, Patricia Alessandrini, accompagnée de nos solistes et de Clément Lebrun, médiateur, nous invitera à la suivre dans un surprenant voyage au cœur d’une œuvre et de ses multiples inspirations et ramifications. Car créer, c’est avant tout s’ouvrir à la curiosité d’autrui. Entretien avec PATRICIA ALESSANDRINI, compositrice Qu’est-ce qui vous attire, en tant que compositrice, dans ce type de projet visant à élargir les publics ? Dans mon activité artistique, deux lignes de force cohabitent et se complètent. D’une part mon rapport à la tradition, qui trouve sa source dans ma fascination pour l’acte d’interpréter et de réinterpréter constamment le passé. D’autre part, mon désir « d’insolite », des moments durant lesquels la logique se brise. L’interprétation comme acte de répétition sert de point de départ à mes compositions : l’œuvre originelle, interprétée et réinterprétée, fait dans ce contexte place à une attention accrue portant sur les moyens d’interprétation. Comme ces moyens impliquent souvent l’emploi de technologies multimédias et interactives, ainsi qu’un déploiement dans un espace autre qu’une salle de concert, et, de plus en plus, une collaboration avec des interprètes non professionnels, ce nouveau projet coréalisé avec l’Ensemble intercontemporain participe pleinement de ma pratique a ctuelle. Quels sont les enjeux de ce projet, notamment artistiques et pédagogiques ? Le respect de la tradition et l’amour du répertoire ne doivent pas nous empêcher de sortir de nos habitudes afin de créer de nouvelles formes de concerts. Bénéficiant de la très forte volonté de la Gaîté lyrique d’expérimenter de nouveaux modes de présentation, notre souci principal est de réunir des publics variés autour des œuvres et des sujets, afin de favoriser la découverte, l’exploration en commun et le partage. Pour chacun des quatre rendez-vous, la temporalité habituelle du concert sera rythmée par une exploration commune, menée par les musiciens de l’Ensemble et le public. Comment « compose-t-on » pareil concert ? Si vous deviez écrire une pièce spécifiquement destinée à ce cadre, écririez-vous différemment ? J’aime écrire spécifiquement pour certains interprètes, et pour des lieux particuliers : l’œuvre créée lors de la quatrième rencontre fera par exemple appel à une projection panoramique spécifiquement conçue pour le lieu. Il n’est, par contre, pas question pour moi de modeler une composition sur ce que je pense être les attentes d’un public spécifique lors d’une occasion particulière. La difficulté de se confronter à une œuvre d’un genre inconnu est un problème qu’il nous faut considérer, mais la réponse ne peut pas être de créer ou de programmer des œuvres qui semblent être « familières », c’est-à-dire conformes à certaines normes stylistiques. Il s’agit plutôt d'instaurer un rapport intime avec une œuvre dans les termes qu’elle propose. Chaque événement sera organisé autour d’un thème qui dépasse les seuls aspects spécifiques à l’écriture de la musique contemporaine comme les traits stylistiques, les modes de jeu, les « courants », etc. Le corps sera le sujet d’un des ateliers, mais sera également traité comme un thème récurrent tout au long du cycle, décliné en plusieurs sujets : le rapport entre le corps de l’interprète et l’instrument, le corps comme instrument, l’instrument comme corps vibrant… dans le dernier rendez-vous, nous nous intéresserons au rapport entre la voix et le corps. Propos recueillis par Jérémie Szpirglas