Ensemble intercontemporain 2015-16 musical season Brochure de saison 2015-2016 | Page 33
33
« Suivez votre propre voie ! » Panorama de la création musicale en Chine
pop, le rock et le jazz. Ce dernier et Lei Liang (né en
1972) font partie des compositeurs qui résident en permanence aux États-Unis et dont les œuvres sophistiquées ont attiré l’attention en Occident comme en Asie.
Bon nombre de ces artistes n’ont (re)découvert la
culture chinoise qu’après leur départ à l’étranger, et
après avoir pris un certain recul vis-à-vis de leur pays
d’origine ; chacun a créé une œuvre en forme de refuge
spirituel : « Je ne me sens chez moi ni en Amérique, ni en
Chine », déclare Lei Liang, qui a également séjourné en
Europe avant de s’installer aux États-Unis. « J’ai beaucoup aimé traverser ces trois paysages culturels – la
Chine, les États-Unis et l’Europe, mais il est important
de se créer son propre territoire artistique. » Issu d’un
milieu intellectuel pékinois, il décide de quitter la Chine
à dix-huit ans, avant tout « pour fuir le nationalisme et
l’étroitesse d’esprit de son pays ».
Les exigences nationalistes et les pressions pour
« servir la société » figurent sans aucun doute parmi
les causes de la perte de rayonnement de ce qui fut une
source musicale fructueuse, bien que des pièces musicales intéressantes voient encore le jour. Le manque de
talent n’est certainement pas le problème – les excellents musiciens et les jeunes créateurs ambitieux sont
nombreux –, cependant le rigorisme du climat culturel
et social qui règne sur le pays freine l’individualisme
des artistes créatifs et les craintes de « contamination
culturelle » n’apaisent en rien cet état de fait. S’il était
difficile pour les artistes de la génération de Tan Dun
d’échapper à ces pressions, le défi est encore plus ardu
pour les jeunes compositeurs de la République populaire d’aujourd’hui, qui ont grandi dans une Chine bien
différente, dominée par un capitalisme effréné et par
l’indifférence du public.
pop et de world music à l’envergure internationale. Le
grand compositeur Chen Xiaoyong (né en 1955), qui
habite Hambourg depuis 1985, se rend fréquemment
en Chine pour y donner des cours de composition et
prendre part à des projets musicaux. Il remarque un
« progrès croissant » dans l’art et la culture chinois
tout en signalant des problèmes majeurs. La situation reste par exemple difficile pour les œuvres qui
ont une fonction critique envers la société. Les artistes
chinois échouent également à faire preuve d’autocritique : nombreux sont ceux qui craignent trop l’opinion
d’autrui et sont trop empressés de gagner les faveurs
du public.
Ce symptôme est occasionnellement diagnostiqué
au sein de la société chinoise. Lors d’un récent concours
de composition – dont le compositeur néerlandais Joël
Bons figurait parmi les jurés – Guo Wenjing, lui aussi
membre du jury, a réprimandé certains finalistes : « Ne
nous imitez pas ! Tracez votre propre voie ! » Certains
jeunes compositeurs y parviennent – chose qui, dans
les circonstances actuelles, n’est rien de moins qu’un
miracle – et cessent de nécessairement s’inspirer des
thèmes conventionnels tirés de la littérature et de la
philosophie chinoises. Ainsi Wang Erqing (né en 1999)
a-t-il récemment reçu le premier prix du cinquième
River Awards Composition Competition de Shanghai
pour sa pièce Paradise Drowned (2014). Interprétée en
Europe par le Nieuw Ensemble, cette œuvre est une
méditation sur le réchauffement climatique. Âgé de
quinze ans, l R6