Ensemble intercontemporain 2015-16 musical season Brochure de saison 2015-2016 | Page 28

28 « Suivez votre propre voie ! » Panorama de la création musicale en Chine par FRANK KOUWENHOVEN «  Ne nous imitez pas. Suivez votre propre voie ! ». Ces propos adressés à la jeune génération de compositeurs chinois par Guo Wenjing, leur aîné, sont rapportés Frank Kouwenhoven, musicologue spécialiste de la création musicale en Chine. Ils illustrent la situation paradoxale des compositeurs dans la Chine continentale d’aujourd’hui, pris entre l’influence importante du modèle d’écriture occidental et la nécessité d’inventer une musique que ses auditeurs pourront reconnaître comme authentiquement chinoise. Une situation qui ne freine heureusement pas leur créativité, comme le montre ce panorama documenté d’un monde musical qu’on connaît encore trop mal. Au terme des années 1980, et après plusieurs décennies marquées par une stagnation musicale accompagnées d’une certaine virulence vis-à-vis de la culture occidentale, la Chine socialiste s’est subitement (et à sa grande surprise) retrouvée au cœur du circuit international de la musique contemporaine. Des années durant, des compositeurs tels que Tan Dun, Guo Wenjing, Chen Qigang, qui avaient grandi sous la révolution culturelle (1966-1976), durent se plier à un régime spartiate n’autorisant que la musique de propagande. Mais les portes du pays se rouvrirent à la culture étrangère dans les années 1970 et 1980 et ces compositeurs ne tardèrent pas à s’approprier la musique d’avant-garde occidentale. Le choc provoqué par le contraste avec leur propre univers musical suscita chez bon nombre d’entre eux un flot de créativité sans précédent. Lors des séjours à la campagne imposés par le régime, de nombreux artistes, en plus d’interpréter des chansons révolutionnaires, avaient découvert la musique régionale traditionnelle chinoise. Celle-ci offrait un fabuleux contrepoint à la musique occidentale et, associée aux nouveaux idiomes venus de l’Ouest, généra de nouvelles pistes d’expérimentation. Lors du premier festival de musique contemporaine chinoise, tenu en juin 1986 à Hong Kong, les artistes de la Chine continentale captèrent pour la première fois l’attention internationale. Certains finirent par rencontrer le succès à l’étranger. Durant les années 1990, un nombre croissant de compositeurs chinois migra vers l’Occident, où leurs œuvres étaient plus susceptibles d’être jouées qu’en République populaire. Ge Ganru, Sheng Zhongliang (« Bright Sheng »), Tan Dun, Qu Xiaosong, Chen Yi, Zhou Long, notamment, s’installèrent aux États-Unis, tandis que Cong Su et Chen Xiaoyong partirent pour l’Allemagne. Chen Qigang, Xu Shuya et d’autres émigrèrent pour leur part en France. Certains en profitèrent pour étudier auprès des grands maîtres, tels que Ligeti et Messiaen. À Paris, l’École normale de musique offrit un premier abri pour les artistes chinois, qui purent ensuite intégrer le Conservatoire national supérieur de musique. Pour diverses raisons, des compositeurs tels que Taira et Malec présentaient