Ensemble intercontemporain 2015-16 musical season Brochure de saison 2015-2016 | Page 18
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Les îles enchantées
d’Olga Neuwirth
par LAURE GAUTHIER
Le titre de la création d’Olga Neuwirth, Le
Encantadas o le avventure nel mare delle meraviglie
(cf. p. 38) fait explicitement référence à la nouvelle
d’Herman Melville, The Encantadas or Enchanted
Isles (1854), mais derrière le titre, il y a aussi une
autre filiation, celle qui relie la compositrice autrichienne à Luigi Nono. En effet, le projet prend
appui sur Prometeo. Una tragedia dell’ascolto dont
la première représentation avait eu lieu en 1984
dans l’église San Lorenzo à Venise. C’est dans cette
église déjà sécularisée, dans cette ville dont l’histoire architecturale est intimement liée à celle de la
musique, que Nono avait décidé de subvertir la situation d’écoute traditionnelle. Grâce à la collaboration
du compositeur avec l’architecte Renzo Piano, cette
pièce tragique devenait une « tragédie de l’écoute » :
le dispositif traditionnel était déconstruit, le lieu
dé-théâtralisé et le public se trouvait au centre de
l’espace et trois galeries étaient aménagées pour
les musiciens, créant différents espaces sonores qui
déjouaient les attentes acoustiques classiques.
Le pari osé d’Olga Neuwirth est de reconstruire
virtuellement l’espace sonore de San Lorenzo, de
déplacer virtuellement la coupole pour la réinstaller
acoustiquement dans la Philharmonie de Paris. Bien
sûr, cette double citation architecturale et musicale
fonctionne par un processus de métaphorisation :
il ne s’agit pas seulement d’intervertir, comme a pu
le faire Nono, la disposition auditeurs/musiciens,
mais aussi de proposer au public une architecture
transparente et mouvante, un espace évolutif et
pluriel : une « arche de rêve », comme le formule
la compositrice, qui peut circuler « au travers de
l’espace et du temps », grâce à un dispositif complexe élaboré en collaboration avec l’Ircam. Cette
technologie a pour pari de plonger l’auditeur au
cœur d’un système ambisonique via une sphère de
haut-parleurs installés autour de la salle. En écho
à l’image de la coupole, le procédé ambisonique
repose sur des calculs mathématiques faisant appel
à des harmoniques sphériques. Pour y parvenir, un
échantillonnage de l’espace acoustique de l’église
San Lorenzo a été reconstitué à l’aide de réponses
impulsionnelles 3D, permettant de donner au public
de la Philharmonie l’impression d’être en immersion sonore dans l’église vénitienne.