Ensemble intercontemporain 2015-16 musical season Brochure de saison 2015-2016 | Page 13
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DOSSIER
s’associe à un univers sonore fait de symboles variés
(comme celui des sons « froids », atones et aigus des
cordes, au début de la représentation). La scène et
les images musicales se superposent à celles, visuelles, « composées » par le metteur en scène : elles
aussi sont symboliques, suggestives et réglées par le
rythme narratif de la musique. Elles contribuent à
créer un univers qui est en même temps complexe
et lisible, capable de donner plusieurs perspectives
au récit, qui n’est plus une « simple » histoire, mais
un support poétique au travail des différents arts.
La décision de s’appuyer sur un espace « signifiant » plutôt que sur une scène théâtrale traditionnelle est de plus en plus manifeste au début du xxie
siècle. Un excellent exemple est Fama (2005) de Beat
Furrer. Cette action scénique se présente comme
un monologue intérieur – celui de la jeune protagoniste de Mademoiselle Else d’Arthur Schnitzler – qui
prend forme grâce à une « architecture » conçue par
le compositeur, « un espace dans l’espace » : la salle
où se trouve le public est imbriquée dans une autre,
où sont placés les musiciens. Le flux de conscience
d’Else est articulé par une alternance de moments
intérieurs et extérieurs à la salle où le texte – qui est
lui-même un collage de fragments – est donné par
bribes (distribué parmi les huit voix chantées et une
comédienne) : une construction musico-textuelle
qui tend vers un théâtre de l’esprit en se libérant
des conventions de la représentation.
Considérons enfin l’utilisation des images filmées, qui ouvrent un espace (ou des espaces) parfois complémentaire(s), parfois alternatif(s) à celui
offert par le lieu du spectacle. Nombreuses sont les
œuvres en ce début du xxie siècle qui s’élaborent à
partir de la relation entre image vidéo projetée et
musique : un rapport qui a été très expérimental dès
la naissance du cinéma, mais qui, dans cette nouvelle
perspective libérée des liens narratifs traditionnels,
semble trouver un nouvel élan. Il suffit de rappeler Index of Metal (2003), vidéo-opéra de Fausto
Romitelli avec vidéo de Paolo Pachini et Leonardo
Romolo : des fragments de textes de Kenka Lèkovich
Les nouvelles scènes de la musique
– chantés par une soprano – se mélangent à la musique et aux images dans un rapport jamais descriptif (il n’y a pas d’histoire à raconter), et qui tend à
créer une sorte de processus hypnotique saturé de
mémoire sonore (l’œuvre s’ouvre avec le premier
accord du disque Shine on You Crazy Diamond des
Pink Floyd, lancé plusieurs fois avec le son d’un
disque vinyle…). On pense aussi aux œuvres avec
vidéo de Pierre Jodlowski, c