Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 89

image l ’ identité forte de notre chirurgien . Concernant la personnalité d ’ Augustin Feyen- Perrin , qui a réalisé très peu de tableaux , c ’ est un peintre qui a beaucoup promis et peu fait . Il y a certains tableaux , notamment des paysages fait à Cancale , mais ils ont un côté mondain , un côté parisien … Il y a très peu d ’ œuvres de bonne qualité , je dirai que celles reproduisant Charles Téméraire au musée des Beaux-arts de Nancy sont peut-être ses meilleures réalisations . Alors le tableau confirme en quelque sorte toutes les descriptions des contemporains , qui décrivent justement le sens de la Charité , avec en plus un je ne sais quoi de religieux . Ce ténébrisme monacal , ambiance appuyée par les simples mots , le simple mot : à peine visible , sous le papier tenu par l ’ un des internes ; le mot « charité ». Si on essaie de creuser un peu , d ’ entrer un peu dans le tableau , d ’ être un peu à côté de Velpeau on comprend comment cette mondanité clinique se construit et en quoi elle est importante , en quoi elle surenchérit le prestige de Velpeau . On peut par exemple recourir à cette gravure , cette reprise du tableau d ’ Eugène Pirodon où on voit quelques clés de lecture , quelques noms qui viennent justement nous aider à identifier mieux le personnage . On retrouve parmi les élèves de Velpeau , Liouville , Desfossés , Lundy . On retrouve un écrivain et critique d ’ art , Armand Silvestre , et plusieurs artistes : Charnay , représenté deux fois , et Ronjat et Feyen-Perrin . Le voisinage de l ’ école des Beaux-arts avec l ’ hôpital de la Charité explique en quelque sorte la présence d ’ Armand Silvestre et surtout de Feyen-Perrin à côté de Velpeau . Certains artistes présents à la Charité ont réalisé des fresques pour le bénéfice des internes . Ces fresques qui n ’ existent plus . On les a démontées . Ce ne sont pas vraiment des fresques , ce sont des peintures à l ’ huile sur des panneaux en bois . Ces fresques soulignent le fait que ces artistes sont des habitués des lieux . Il y a une espèce d ’ émulation générale , un espace d ’ aller-retour entre médecine et beaux-arts . Ce voisinage est complètement normal à l ’ époque . Le tableau d ’ Augustin Feyen-Perrin n ’ a pas joui du meilleur accueil et sa réception a été plutôt mitigée , il y a eu peu d ’ éloges . Les sources historiques de Feyen-Perrin trop facilement identifiables . La première , vous la reconnaissez aussitôt , vient de la « Dernière Cène » de la Renaissance , avec Jésus et les apôtres . La deuxième source , c ’ est indubitablement la Leçon du Docteur Tulp de Rembrandt . Ces deux sources trop évidentes , peut-être trop lourdes , jettent de l ’ ombre sur le tableau de Feyen-Perrin . Il faut quand même remettre les choses un peu à leur place , et insister sur la modernité de ce tableau . Pour 1864 , c ’ est quand même un pas assez important dans l ’ iconographie médicale . Pour plusieurs raisons : la première c ’ est que par rapport à ce qui se faisait avant , autour de 1840-1850 , on observe qu ’ on commence à abandonner un peu toute cette iconographie très lourde , typiquement troubadour , insistant sur Vésale en train d ’ opérer à Padoue ou avec Ambroise Paré sur un champ de bataille faisant une ligature . Tous ces pères de la chirurgie , Feyen-Perrin , va choisir de les laisser de côté et axer strictement sur la contemporanéité , sur les rôles d ’ ici et de maintenant . Des chercheurs américains ont pu vérifier qu ’ Augustin Feyen-Perrin a influencé Thomas Eakins qui était un des grands artistes réalistes américains . Non seulement il était étudiant en médecine avant de devenir peintre , mais il était venu voir Velpeau à la Charité . Mais il a visité le salon de 1864 . Donc il a vu au moins une fois le tableau , le tableau d ’ Augustin Feyen-Perrin . Il a aussi été exposé à l ’ exposition universelle aux Etats-Unis . Donc deuxième occasion pour Thomas Eakins de voir ce tableau . Deuxième aspect : en 1864 , Augustin Feyen-Perrin ouvre un chemin , une nouvelle iconographie de la médecine , qui atteindra son intensité , son paroxysme au salon de 1877 . Je montre maintenant un tableau de Louis Gervais qui insiste d ’ un part sur la personnalité du docteur Feyen-Perrin mais aussi sur le pincement de vaisseaux par un fameux instrument inventé par Perrin . J ’ aurais pu aussi vous montrer ce tableau archi célèbre , d ’ André Brouillet , avec Charcot et sa leçon à la Salpêtrière .
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