Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 58

Marcel Voisin : Bien, merci président et bonjour à tous et à toutes. J’essaierai de ne pas être trop insolent mais je le serai peut-être un peu. Il y a quand même un certain nombre de choses qui me dérangent. Vous savez qu’en principe, une réflexion philosophique est surtout une série de questions. Ne vous étonnez pas que je pose plus de questions que je n’apporte de réponses. En introduction de mon propos, je voudrais faire l’une ou l’autre petite réflexion sur les mots qui concernent l’identité. En effet, être dans l’extraordinaire, dans la monstruosité, c’est évidemment accumuler toute une série de difficultés et c’est aussi créer des problèmes d’identité. Le monstre est l’être à part, que ce soit, le roux, la grosse ou l’orphelin ou autre chose de ce genre. Ici, le géant : le gigantisme crée à la fois des positions de fascination puisqu’on aime le voir, mais d’autre part, on essaie de le montrer. Il provoque aussi des réflexes de rejet, il n’est pas normal, il n’est pas dans la norme. Vous savez que l’identification est régie par plusieurs exigences et notamment par ce que le philosophe René Girard appelle le désir mimétique. On veut de la similitude, on veut de la ressemblance et ce qui ne ressemble pas choque. Le monstre est plus ou moins accepté, mais le monstre subit toute une série d’avanies qui vont parfois extrêmement loin. On le voit par exemple dans les productions cinématographiques, etc. Le monstre, vous le savez, on vous l’a rappelé hier, c’est celui qu’on montre avec toutes les manipulations que cela peut supposer, avec toutes les affinités que cela peut avoir avec le zoo humain comme on a parfois dit. D’autre part, il y a un paradoxe criant, c’est qu’un homme grand n’est pas nécessairement un grand homme. Et là, nous tombons sur les problèmes de langage. Alors, à propos des noms, petite réflexion ironique : Julius Koch aurait pu se satisfaire de rester Julius, puisqu’il a quand même des références historiques intéressantes : il y a Jules César que tout le monde connaît et il y a aussi Jules II. Vu son environnement catholique, il aurait pu se dire qu’il pourrait se rapprocher de ces personnages haut en couleurs. D’autre part, c’était une façon d’éviter la banalité de « Koch », cuisinier en Allemand. Vous savez qu’il s’est fait appeler Constantin. Quand on dit, il s’est fait appeler, moi je ne sais pas, certains vont peut-être pouvoir m’éclairer : est-ce qu’il a vraiment choisi ce nom ou est-ce que c’est son exploitant qui a choisi Constantin ? Il y avait une raison familiale puisque c’était le nom de son grand-oncle, le capucin qui était aussi un homme assez grand puisqu’il dépassait les 2 mètres. Mais, il y aussi Constantin le Grand qui a un rôle extrêmement important dans le catholicisme puisque nous ne serions pas catholiques s’il n’y avait pas eu Constantin vraisemblablement. Et le Constantinisme a traversé toute l’histoire de l’Eglise Catholique en particulier. Vous savez, si je fais ces petites digressions, c’est parce que, quand même, le nom et je n’irai pas plus loin est extrêmement important dans le processus d’identification. Sigmund Freud dit « pour les primitifs ainsi que pour les sauvages d’aujourd’hui et même pour nos enfants, mais ne sommes-nous pas toujours un peu des enfants - les noms sont un choix à caractère essentiel et chargés de signification. Le nom d’un homme est une partie constitutive, primordiale de sa personne ». C’est dans Totems et Tabous. 58