Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 50

clinique, et à la fin du 19ème siècle en fait, elle joue un rôle nouveau d’instruction publique dans les foires en illustrant les pathologies typiques de cette époques, syphilis, alcoolisme, tuberculose. Par une sorte d’effroi thérapeutique, elles servent à mettre en garde le grand public contre ces pratiques à risque et les cires des maladies vénériennes présentent par exemple je cite « tristes fruits de leur débauche et des dangereuses fredaines » à côté des pièces dites didactiques qui explicitent le déroulement de l’accouchement et les techniques d’amputation et ça c’est vraiment de la pédagogie pure. On trouve aussi une galerie de membres dévorés par les chancres syphilitiques mais en présentant des corps atroces, anormaux ou difformes voire mutilés ces musées ne sont-ils pas d’abord des créateurs d’œuvres cauchemardesques ? Une œuvre constituée d’avantage dans un esprit de lucre que de salubrité publique ? Au nom de l’hygiène sociale on exhibe des corps tourmentés, des entrailles béantes, des reins tuberculeux, des fœtus monstrueux, des jumeaux siamois collés par la hanche, un enfant crapaud, une jeune femme ayant subi une césarienne des têtes vérolées, des peaux tordues par la maladie, il s’agit de frapper les esprits, de provoquer les émotions populaires, d’attirer aussi les esprits tortueux et d’enrober les pathologies macabres dans un discours scientifique un peu moralisateur. Le peintre Paul Delvaux le sait bien qui sur sa toile intitulée « musée Spitzner » montre qu’au milieu de toute la baraque il y a une guichetière qui attend le chaland et qui encaisse le prix ; alors certes les moulages anatomiques ont longtemps servi de supports privilégiés d’apprentissage. Avec l’apparition de la photographie les cires anatomiques vont progressivement passer la main dans les facultés mais d’autres auteurs considèrent que les baraques consacrées à l’anatomie ont en réalité un rôle pédagogique unique incroyablement novateur. À une époque où il n’existe ni internet ni télévision ni même radio, à l’heure où une partie importante de la population est frappée d’analphabétisme donc à laquelle on ne peut même pas fournir, si je puis dire un petit dépliant pour expliquer les choses les musées forains ont permis de diffuser un savoir étranger à la majeure partie de la population. En donnant à voir un patrimoine réservé avant, juste aux savants. Et de jouer un rôle majeur dans l’histoire de la prévention de certaines maladies, en promouvant le vieil adage « mieux vaut prévenir que guérir ». Ceci dit, confrontant à Musée Spitzner les mots sciences, arts, progrès, on montre bien cette ambiguïté. En un siècle donc notre rapport au corps a bien évolué. Mais faut-il pour autant donner raison à ceux qui veulent qu’on enterre aujourd’hui les géants conservés dans nos musées alors qu’on laisse voir quasi sans réserve des corps plastinés ? Doit-on cesser d’exposer les os de nos ancêtres ? Doit-on les rendre ? Et si oui, à qui les rendre ? A qui rendre les restes de l’homme de Neandertal ? Faudrait-il aussi rendre Lucy ? Mais à qui ? Si on songe qu’elle était la première femme de l’humanité. Pour les héritiers c’est difficile. Au Kenyan d’aujourd’hui ? Dans son avis rendu pour interdire une exposition de corps plastinés le comité français de bioéthique donnait 3 critères pour justifier du caractère justifié d’une telle restitution : que le pays d’origine qui a formulé la demande de restitution doit être celle du peuple actuel, que les vestiges ne doivent pas être destinés à être exposés donc on ne déplace pas simplement si je puis dire la monstration, ni conservés dans des réserves mais doivent être inhumés. Et enfin que la décision doit être celle d’une collégialité et pas d’une personne unique. Donc une personne unique ne pourrait pas réclamer un corps mais un état ou un peuple. Alors plusieurs affaires récentes on l’a évoqué aussi ce matin ont souligné l’actualité de ce débat, le moulage de plâtre et le squelette de la vénus Hottentot ont été exposés au musée de l’Homme à Paris jusqu’en 1974 lorsqu’ils sont retirés de la galerie d’anthropologie physique et relégués finalement dans les réserves du musée. Le moulage, lui, est resté exposé encore deux ans dans la salle de préhistoire. En 94 quelques temps seulement après la fin de l’apartheid il est fait appel à Nelson Mandela pour demander la restitution des restes afin de pouvoir lui offrir une sépulture et de lui rendre sa dignité. Cette demande se heurte à un refus des autorités du monde scientifique français, au nom du patrimoine inaliénable de l’Etat et de la Science. Les mots sont importants. Ce n’est qu’en 2002 après le vote d’une loi spéciale, on l’a spécialement rappelé ce matin, que la France 50