Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 41

justifie quelque chose d’étonnant aussi, maintenant l’apparition au bas de l’écran, « déconseillé au moins de 10 ans ». On devrait s’interroger sur la signification de ces 10 ans. Est-ce qu’un enfant de 9 ans est plus sensible qu’un enfant de 11 ans ? Moi je crois que c’est une question de cadre de vie, d’existence. C’est un peu comme la pornographie. Il y a évidemment des endroits où la Vénus de Milo serait un objet pornographique et d’autres où Lady Gaga serait un objet de rigolade. Moi j’aime bien Lady Gaga, sauf quand elle chante. Vous savez, la pluralité des rapports à la mort dans la société multiculturelle est un autre facteur. Nous n’avons pas tous le même type de rapport à la mort en fonction de notre origine. Par l’immigration par exemple. L’immigration et l’islam interdisent la crémation, la tradition juive aussi. Est-ce qu’il y a une banalisation de la mort par l’image ? Ou peut-être y a-t-il une relative édulcoration dans la mesure où elle nous devient familière. Certains cas et ça commence à pointer, comme je vous signale la série « section de recherches » de la gendarmerie de Bordeaux. Là on nous montre des cadavres en décomposition alors qu’en général les scènes de mort sont un prétexte pour montrer des jolies filles nues sur la table. C’est déconseillé aux moins de 10 ans. Je ne comprends pas ces10 ans c’est encore une fois une de ces décisions de type bureaucratique qui nous concernent tous mais sur laquelle nous ne réfléchissons pas. Une scène de morgue peut s’accompagner d’une espèce d’ironie, ou d’humour à l’égard de la mort. Je pense à cette série, parce que moi je suis un amateur de télévision, qui s’appelle Le Boulevard du Palais. Dans Le Boulevard du Palais, une cinquantaine d’épisodes, je crois depuis quelques années. Elle est remarquable : le héros est un commandant de police alcolo, mais vraiment alcolo, et l’héroïne est une charmante juge d’instruction qui, dès qu’elle a un mec, le perd. Elle ne se console pas avec le commandant bien que, on peut se demander si en coulisse... Il y a là un personnage extraordinaire qui est le légiste Hannibal Pluvinage, joué par un extraordinaire comédien qui s’appelle Olivier Saladin et qui passe son temps à propos de ces cadavres à faire des remarques drôles, à citer des poètes. Nous regardons ça en rigolant. Peut -être que si nous étions sur place, on trouverait ça moins drôle. Comment est-ce qu’on parvient à faire trouver ça drôle ? Parce que justement il y a cette mise à distance, que nous pratiquons à l'égard du mort réel, qu’on ne veut pas voir, qu’on va ne certainement pas voir de tout près, et que le système médiatique veut encourager. J’ai une deuxième citation de Louis-Vincent Thomas, à propos de la mort divertissement, pas uniquement le divertissement pascalien, c’est ce que dit Louis-Vincent Thomas, mais c’est au sens du divertissement comique. Certains films ont fait de la mort un objet comique. Je songe aux films de Lautner, notamment Les Tontons flingueurs ou Les Barbouzes où là les chinois qui sortent du mur se font tous abattre, plus il y en a, plus ça fait rigoler. Il n’y a pas de sang. Ils sont tous tués avec des silencieux ; apparemment, c’est bien connu, quand on tue avec des silencieux, il n’y a pas de sang, du moins au cinéma. Le propre d’une telle mort, dit Louis-Vincent, Louis-Vincent Thomas excusez-moi mais c’était un ami alors j’ai tendance à le tutoyer même post-mortem. « Le propre d’une telle mort, que l’on consomme dans la quiétude et le confort est de rester lointaine et non contagieuse. Une mort à la troisième personne qui nous dispense dans l’immédiat de mourir et qui même, nous rassure et nous assure. Il y a bien dans ce type d’image, d’image/discours, une mise à distance de l’objet scandaleux dédramatisé par la surabondance et la répétition, mais qui suffit à la complaisance de nos fantasmes. La mort devient inoffensive parce que l'image s’intercale entre moi et l’événement, la réalité fait place au spectacle sa présence se fait représentation ». Ceci parle de nous, ici, des gens de l’Europe prétendument nantis, enfin nantis, par pour tout le monde, enfin bon, plus nantis que d’autres. Evidemment, quand on a des liens avec le fisc 41