Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 34

qu'il s'agit de personnes uniques, d’humains, d’humanoïdes pour employer une expression beaucoup plus vaste, devenus à leur décès, théoriquement, des biens mobiliers. C'est précisément cette transition qui interpelle tout homme et l'homo juridicus que je suis, demeure avant tout un homme. Et dès lors, le droit en l’espèce ne peut pas être dissocié de l'approche humaine. Et c'est d'ailleurs dans ce sens que monsieur Baptiste Delhauteur qui s'exprime dans le Dictionnaire de la mort, édité par Larousse, sous la direction de monsieur Philippe di Folco, écrivain dont les réflexions vont d'ailleurs clôturer ce colloque demain. Monsieur Delhauteur écrit en effet fort pertinemment que, je cite : « Le cadavre se trouve dans une tension entre personnalité et objet ». Cela me paraît très pertinent à relever. Il s'agit d'une tension entre personnalité et objet. Et l'approche juridique n'a pas échappé à cette tension, en quelque sorte à ce statut complexe double ou hybride qui fait par ailleurs sa richesse. Le droit ne peut ignorer ces évidences ontologiques que l'on pourrait résumer comme suit : 1 : La personne humaine, pour employer un terme plus scientifique, cet homo sapiens, a surgi à un moment donné de l'évolution des espèces depuis le big-bang. 2 : Cette personne a tissé des liens avec ses semblables, les siens. Il a partagé avec eux sa vie, ses émotions, ses souffrances, ses joies, ses rêves, ses faiblesses, sa médiocrité ou sa grandeur. Il a pu ainsi laisser éventuellement une œuvre et singulièrement une descendance. 3 : Quelles qu'aient été sa vie ou ses convictions religieuses ou philosophiques, ou son absence de conviction, ses proches le pleurent le cas échéant, conservent son souvenir. Nous entrons ici de plain-pied dans la notion essentielle de la valeur de la mémoire. 4. Sa dépouille mortelle n'est donc pas, et j'emploie entre guillemets l'expression, « désincarnée ». Elle est fortement chargée émotionnellement, c'est ce qui en fait toute la valeur et l'intérêt de l'approche juridique. C’est tellement profondément ancré dans l'évolution de l'humanité que le respect des morts constitue effectivement un des critères premiers de la connaissance, de la reconnaissance de l'homme en tant que personne dans l'évolution des civilisations. 5 : Le respect et la dignité qui sont dus aux restes humains s'inscrivent donc dans le prolongement du respect et de la dignité attachés à l'être humain. Et c'est en cela que l'on peut parler de la personnalité entre guillemets des restes humains et plus singulièrement de tout être humain. Je rappelle ici la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 qui l'a consacré en principe, en son article premier, proclamé comme suit : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit. » Il est remarquable de mettre en évidence que l'on cite d'abord la dignité et puis les droits. Donc le concept, le critère de dignité est primordial dans une approche telle que celle d'aujourd'hui faite par des juristes. Ce principe de dignité se retrouve dans d’autres textes légaux. C’est un concept que l’on retrouve dans d'autres législations et par exemple ma fille vous a cité le code civil français qui en 2008 - c'est relativement récent - a inséré un article 16.1.1 qui dit que « les restes des personnes décédées, y compris les cendres et celles dont le corps a donné lieu à une crémation, doivent être traitées avec respect, dignité et décence ». C’est ce prolongement qui a été reconnu aux restes humains. Et cette dignité s'impose dans tous les aspects de l'activité humaine, qui entourent les restes humains, parce qu'ils sont bien plus que des objets mobiliers. Alors ce n'est pas toujours le cas, le respect accordé aux restes 34