Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 119

Je reviens au tissu funéraire, il y a toujours une ambiguïté entre trois termes : « linceul » « suaire » et « serpillère ». Du propre au sale. La serpillère est un tissage de coton extrêmement rustique, destiné à éponger les humeurs d’un corps en décomposition Le suaire et le linceul qui ont deux fonctions différentes, que l’on retrouve aussi sous sa version religieuse. Le suaire c’est la « Véronique ». La « Véronique » c’est la cape de celui va mettre à mort le taureau, le matador. Mais c’est aussi évidemment Sainte-Véronique qui imprime l’image du visage du Christ pendant sa passion et qui est la fameuse image qui va donner naissance à la possibilité à notre civilisation d’être une civilisation iconophile Le linceul est le tissu que les juifs sont tenus d’avoir sur eux pour l’inhumation. Comme les marins, qui pendant mille ans - les marins ne sachant pas nager - étaient obligés d’avoir sur eux ce tissu béni qui leur permettait par chance, s’ils atteignaient le fond de la mer, d’avoir accès à la terre de leurs ancêtres. Le linceul était obligatoire. Tout marin devait se présenter sur le bateau avec son linceul. Jean-Pierre Denefve : Quel est le statut de Julius Koch ? Est-ce que ceux qui se revendiquent à juste titre comme ses gardiens sont les seuls détenteurs du regard qui permet de poser les jalons et les conditions de sa conservation ? Assez curieusement, quand on interroge ceux qui sont censés définir ce statut, on n’a pas beaucoup de réponses. Notamment, celles concernant le classement. Il y a un an lors du transport de Julius Koch au Grand Hornu par les Assurances Eeckman, qui transportent des œuvres d’art mais aussi d’autres choses, j’ai demandé d’interroger monsieur Eeckman: « sous quel statut ce squelette de Julius Koch a-t-il été déplacé d’un musée de sciences naturelles vers un musée d’art contemporain ? ». Ce qui implique pour moi par le changement d’espace, peut-être un changement de nature ? Pas de réponse à ce jour. Pourquoi ceux qui ont le rôle de définir de la manière la plus scientifique, la plus prosaïque, la plus précise, se défilent-ils quand on pose la question ? J’imagine qu’il doit y avoir des raisons plus d’ordre stratégique que d’ordre scientifique. Laurent Busine n’a jamais répondu à mes courriers pour savoir comment le squelette de Julius Koch avait été déplacé. Monsieur Eeckman n’est pas là. Je bute sur une espèce de « culpabilité », qui serait celle des scientifiques qui ne prétendent pas trouver réponse à des questions qui me paraissent légitimes. Si le débat pouvait s’ouvrir là-dessus. Comment se fait-il que les scientifiques qui sont là les garants d’un objet de collection, objet de patrimoine, n’arrivent pas, vis-à-vis de personnes comme moi qui ne sont pas compétentes, qui sont plus dans la poésie que dans le domaine du réel, comment se fait-il que les scientifiques à qui on pose une question qui ne paraît pas particulièrement compliquée, donc comment se fait-il que nous n’ayons pas de réponse ? Je me permets de dire : ce type qui dort là, ces restes, à part nous qui avons rédigé une liste de 16 mots différents pour essayer de le définir ; ce « truc » , cette « pièce exceptionnelle de collection », quel est le terme le plus juste que le monde de la science lui attribuerait ? Intervenante : On parlerait plutôt d’un « spécimen anatomique ». 119