Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 117

Jean-Pierre Denefve :
Le cercueil américain ne s ’ ouvre que dans sa partie supérieure . Comme les antiques cercueils en plomb dans tout l ’ axe entre la région de Munich en allant vers Passau , le long de la Vallée de l ’ Inn . Dans toutes les cryptes , des grands hommes – parce qu ’ on va travailler sur la notion de grandeur qui n ’ est pas toujours celle de la taille – vous avez des cercueils qui sont en deux places , en deux parties . Il y a la partie en plomb puis il y a la partie supérieure qui s ’ ouvre sur la momie naturelle de la personne . Le corps est dissimulé par le fait qu ’ il est dans une crypte . Quand vous avez le courage – parce qu ’ il faut en avoir le courage - , d ’ y descendre , il y a une minuterie , dont on ne vous dit pas le temps . Les cercueils sont toujours posés de telle certaine manière que … le visage est au bout , loin de l ’ escalier . Il faut se faufiler parce qu ’ il n ’ y a pas de place entre les cercueils en plomb , très ouvragés . Et vous arrivez à voir le visage momifié de la personne qui s ’ y trouve . À ce moment-là , la minuterie cesse et hop vous vous retrouvez dans le noir . Il y a rarement une personne qui va dans ces cryptes , pour voir ces corps momifiés . On en avait parlé parce qu ’ il y a des interventions d ’ artistes qui voudraient masquer la boîte . Pas la masquer définitivement , mais en revenir au théâtre de la mort de Julius Koch par ce à quoi il n ’ a pas eu droit , comme le grand tissu noir , avec des initiales , comme l ’ idée de la civière ( c ’ est l ’ origine du mot « bière » : bière , en allemand civière ça se dit bière ). Le cercueil , c ’ est beaucoup plus tardif . Jusque 1800 , il y avait un cercueil pour tout le monde , qui ne s ’ ouvrait pas par le dessus , mais par le dessous comme dans l ’ enterrement de Mozart , ou Amadeus ). Avec cette idée de monstration-dissimulation . Le théâtre de la mort est intéressant parce qu ’ on peut , avec Bertrand , par des interventions artistiques , voir comment on peut montrer Julius . Traiter la boîte , la vitrine si on parle de musée . Comment on peut la fermer , l ’ ouvrir , la dissimuler , sur ce qui est « le principe du magicien » : On montre pour cacher , et on cache pour montrer . Plus on cache et plus on a envie de voir . Les enfants par exemple , à l ’ école , quand je mettais un objet sous un voile noir , il suffisait que j ’ aie fait ça pour que tous les gosses viennent pour voir ce qu ’ il y avait en-dessous . J ’ aurais essayé d ’ attirer leur attention sur cet objet , je n ’ y serais pas parvenu … I Ce « principe du magicien », qui est très lié à la mort - dissimulation-monstration - j ’ aimerais bien , avec vous , puisque c ’ est le but du colloque l ’ éclairer .
Stéphane Hendrick :
Sur le thème de la dévoration , et on ne l ’ a peut-être pas évoqué parce que c ’ est un des grands tabous : le cannibalisme . Dans certaines peuplades , on mange les cerveaux , on mange le corps de l ’ autre pour s ’ approprier sa force et son intelligence . Il est fort probable que , au moins de façon inconsciente , il y a aussi ce fantasme-là , cette crainte-là , qui rend nécessaire d ’ enfermer des corps , du moins de les enfouir . Sarcophage signifie : « manger le corps ». Ceci protège aussi les vivants . Je crois que ce qui pose beaucoup de problèmes , c ’ est peut-être moins la mort que la putréfaction . Aujourd ’ hui on la court-circuite , d ’ ailleurs c ’ est une hantise . Puisque de plus en plus de gens se font incinérer .
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