Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 114

C ’ est comme la corrida , le football … les théâtres d ’ anatomie étaient aussi des arène , il y a même la sciure , il y a même le chien qui vient manger les organes , puisque tous les organes secondaires sont jetés aux chiens pendant environ 300 ans .
Alain Dominic Boariu :
Juste un petit mot . Von Hagens , c ’ est plutôt une exception en fait dans toute cette galerie morbide . Wim Delvoye , j ’ imagine que vous connaissez … Alors , je ne sais pas si le cas a été évoqué , mais la dernière œuvre de Wim Delvoye , il s ’ agit d ’ un tatouage . On en a parlé de ça . Mais le modèle n ’ est pas encore mort , il a été vendu , acheté par l ’ artiste …
Jacky Legge :
Ce matin j ’ ai un peu réfléchi à cette façon de décliner effectivement la réflexion sur les restes humains comme des corps ou des objets . Et j ’ ai pensé à trois choses par rapport à la gestion des cimetières . Pendant longtemps , autour des cimetières paroissiaux , il y avait très peu de tombes identifiées . Donc le commun était inhumé , il n ’ y avait pas de croix , il n ’ y avait rien . Les ossements étaient devenus des objets . A un moment donné , quand il manquait de la place , on prenait les ossements , on les mettait dans un ossuaire . Jusqu ’ au moment où la loi a obligé d ’ accepter des protestants . Avec un premier corps de protestant , tous les corps reprenaient une identité . Nous sommes dans un terrain de catholiques et donc , on rejetait le corps du protestant à l ’ extérieur . Jules Bara a demandé à ce que la gestion des cimetières soit confiée aux communes pour qu ’ il n ’ y ait plus de différenciation entre les corps , selon les philosophies . Aujourd ’ hui , je trouve qu ’ on a rétrogradé de ce côté-là puisqu ’ on a des parcelles philosophiques dans les cimetières . Nous allons installer une sculpture de Luc Navez au cimetière de Froidmont . Froidmont c ’ était une commune où il y avait un asile d ’ aliénés , tout à fait progressiste , en liaison avec l ’ Hôpital du Docteur Guislain à Gand , pour faire en sorte que les aliénés soient considérés comme des personnes . Mais au cimetière , ils étaient inhumés dans la partie non consacrée , sans croix , sans signe distinctif . Parce que , comme ils étaient aliénés , ils n ’ avaient pas le droit au Paradis . Ils étaient considérés comme des objets . Enfin , c ’ est une façon de décliner une gestion des cimetières à laquelle Jean-Pierre et moi , accordons beaucoup d ’ importance sur ce rapport objet-corps . Au début du XXème siècle , dans une des communes qui forment aujourd ’ hui Brunehaut , la première fois où on a enterré un protestant , on a rejeté son corps dans le fossé et on l ’ a retrouvé là le lendemain .
Claude Javeau :
il y a des cimetières italiens en tout cas où la séparation Protestants / Catholiques est très nette . A Bellagio il y a un cimetière protestant . Notamment y sont enterrés une jeune mariée morte de fièvres et un aviateur allemand , qui était protestant . Ils sont séparés ; ils ne sont pas « maltraités » mais ils sont séparés . Vous pouvez rappeler aussi , parce que l ’ affaire est connue … qu ’ on a attendu 1907 pour que le préfet de police interdise la visite à la morgue le dimanche matin à Paris . On allait en famille voir les noyés retirés de la Seine et on se moquait d ’ eux , parce « qu ’ ils faisaient des grimaces ». Et on rigolait en disant : « bo-bonne qu ’ est-ce qu ’ on fait dimanche ? ». « On va aller voir les morts ». Vu le scandale , le préfet de police l ’ a interdit .
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