Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 110

Des médecins ont contribué à reconstituer le bruit de l ’ impact d ’ une balle dans tel ou tel organe . C ’ est ce qui a fait le succès de la séquence d ’ introduction du film . Scène de décomposition d ’ un corps dans un sous-bois : c ’ est immonde parce que vous avez imaginé pendant un certain temps , la présence de tous les prédateurs . La séquence est accessible . Mais la décomposition , au lieu de durer X temps , X semaines , dure trois minutes . Et c ’ est une ode à la vie extraordinaire . Le tourbillonnement des mouches , l ’ agitation qui s ’ empare de ce corps donne à la turbulence des éléments à la fois de la nature et de la présence de la faune et de la flore , donne une image d ’ une intensité extraordinaire . Je dirais bien « moi mon corps je veux bien qu ’ il devienne ça », « c ’ est tellement la vie , ça ». D ’ autant que ça se termine drôlement puisque le monsieur avait un dentier et le dentier se promène à la fin de la décomposition quelques mètres en aval . C ’ est là que j ’ ai compris que des artistes aussi pouvaient avoir un regard qui permette – quand je parle de scénographie , le déplacement . Quand on fait bouger Julius , quand on change « son point de vue », qu ’ on le sort de sa boîte , qu ’ on va chercher les ventouses pour enlever la vitre , on ne se rend pas compte à quel point avec le reflet , la lumière , tout d ’ un coup tout change .
Intervenant :
Comme Jean-Pierre l ’ a très bien dit , c ’ est la boite et les murs de ce musée qui donnent la légitimité , la dignité , à la présentation du corps qui font qu ’ une grande majorité de gens vont soit l ’ accepter , soit vont ne le trouver « pas éthique ». Dans d ’ autres circonstances , quand des classes viennent et qu ’ elles sont mal accompagnées , commencent à rigoler , à mettre leurs sandwichs sur la vitre il y a un manque de respect . Et donc , on est dans une autre zone . Une mauvaise connaissance des codes peut parfois être dangereuse . On parlait de mystification , de faux , etc . Je me souviens d ’ Anne Morelli qui , en première candidature , donnait un cours de critique historique . Les 28 premières heures étaient tout à fait normales et la 29 ème , elle inventait tous ses penseurs et le disait suffisamment intelligemment pour qu ’ il y ait une certaine cohérence . Puis elle introduisait des contradictions fortes . Et bien il était extrêmement rare qu ’ à la 50ème minute du cours une main se lève en disant : « mais ce chercheur n ’ existe pas !» ou « vous venez de dire il y a quinze minutes qu ’ il était pour telle ou telle théorie et vous venez de dire l ’ inverse ». Généralement , 99 % des étudiants notent , copient , passent les copies aux camarades et répondent à l ’ examen si on leur pose une question sans s ’ interroger !
Intervenant :
On faisait un test comme ça en première année de médecine quand on avait encore le temps , on faisait un cours bidon . Ça m ’ a causé beaucoup de boulot parce que il y avait un professeur , un faux prof qui énonçait des choses complètement invraisemblables , un prof de math qui venait dire que 3 + 7 , ça fait 28 . Et les étudiants , mais jusqu ’ au bout , ne disent rien parce qu ’ ils sont à l ’ université , donc la parole est légitime , donc on peut dire n ’ importe quoi ! C ’ est quand même très significatif .
Claude Javeau :
Je me suis moi-même livré à ce genre de falsification ou mystification . C ’ est une illustration de ce qu ’ on appelle « l ’ effet papillon » quand le papillon bat des ailes à Washington , il y a tempête de neige à Pékin . Ça marche . Parce que , comme vous avez très bien dit , il y a
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