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Studio Visit Gabriel Méo

par Joël Riff
Certains pissent . Gabriel Méo trouve d ’ autres stratégies pour affirmer son territoire . Cet habile lascar signe un discount de luxe œuvrant en moteur de recherche pirate . Il se distingue par une impertinence irrésistible , localement nourrie par d ’ indélébiles racines PACA , globalement imbibée par la vague numérique . Il s ’ aventure volontiers vers les bornes les moins glorieuses de ces deux sphères , pour mieux bousculer les hiérarchies qui stigmatisent les écarts de goût dont se repaît son travail .
Chanel numéro cinq
Tout cela sait rester couture . Et pas seulement parce que l ’ artiste se positionne au carrefour de ressources déglingues , dont l ’ accumulation aurait de l ’ allure . Son tact confère à cette hétérogénéité une tenue bouleversante . Aujourd ’ hui Gabriel Méo parle timidement de maturité . Bien sûr , croyons-le . Surtout qu ’ il réussit à préserver en cet âge nouveau le meilleur de l ’ adolescence . Il en aiguise c ’ est vrai l ’ assurance , du pelotage à la dextérité . Son engagement est fondamentalement tactile . Doigts de fée et coups de main , il triomphe dans la combinaison du digital et du manuel .
Quatre-quarts
Voilà un goûter roboratif . La recette du fameux gâteau spongieux se base sur un équilibre du gras et du sucré , de l ’ agrégat et du liant . Bien que non quantitative , l ’ harmonie des ingrédients vaut dans le champ de la sculpture . Gabriel Méo fricote avec l ’ aplomb , paradant particulièrement avec cet instant exquis , avant que tout ne s ’ écroule . La précarité du funambule est un risque goûtu . C ’ est dans le registre maniéré du design culinaire que se reconnaissent ses céramiques évidemment , à l ’ émail fondant voire suintant , et l ’ ensemble d ’ une pratique qui s ’ offre avec la fierté d ’ un plat bien dressé .
Trois Suisses
Le catalogue de vente par correspondance est le banlieusard de la distribution . Réputé bon marché , il est une bible d ’ iconographie générique , cornée , loin des éclats du shopping de trottoir . L ’ obsolescence du pavé insiste sur l ’ isolement de la ménagère sans permis ou du consommateur de campagne , bien tenus à distance . Gabriel Méo alimente un culte de la périphérie . Il est un garçon de l ’ orée . Ses peintures nouvellement encadrées voient leur pourtour littéralement scellé par des verrous . Il cadenasse ses compositions . Bon chiffonnier , il vante la mode réversible . Deux faces au prix d ’ une , pratique .
Deux point zéro
La toile nous abreuve d ’ un flot motivé par les saisies terminologiques . Il suffit de presser la touche Entrée et bam , une grosse giclée se déverse , systématique , gagnante à tous les coups . L ’ élan de Gabriel Méo se caractérise par une productivité fleuve qui génère instinctivement un débordement d ’ images . Le tri ne se fait pas tant dans l ’ écartement de certains objets , que par leur digestion progressive . Ainsi une composition soudainement amoindrie se retrouvera pimpée sans scrupule . Procédant par calques comme certains logiciels , il veille à bien en laisser lisible le feuilleté .
Ligue un
Tout gamin rêve de faire un tour de stade sous les ovations de la foule en délire . Gabriel Méo reprend régulièrement cette figure du vainqueur , offrant à ses collages la compagnie de corps satisfaits par la victoire . Le champion incarne un idéal , dont la testostérone irrigue tout ce qui voisine le héros . Le flouze , les caisses , les meufs participent de cette frime sportive , caricaturale , aliénante , mais belle et bien bandante . Les œuvres réclament par leurs charmes racoleurs , une pareille forme de consécration . Elles sont des trophées que l ’ artiste brandit .
Joël Riff est curieux .
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