Édito
Un projet d’avenir
contre-révolutionnaire
Code / Code 2.0 / CODE South Way.
Bruxelles → Paris → Marseille. Au fil des numéros, un trajet se dessine : non seulement un
cheminement vers le Sud, mais aussi une sortie des mégalopoles. C’est le projet de CODE
South Way : exposer ces pratiques qui sortent
des logiques des capitales – pour ne pas dire
des logiques capitalistes.
Le monde médiéval résistait encore à la
centralisation et ne connaissait pas la délégation à un tiers ; la division du travail est à la
base du capitalisme marchand qui régule la
société occidentale depuis la Renaissance. Or,
apparaît un double processus dans la création
émergente : une certaine décentralisation et
un retour à des modes de productions féodaux, voire ancestraux. Loin des produits manufacturés des ères moderne et postmoderne,
les productions contemporaines renouent
avec l’artisanat. Poteries et textiles abondent.
En s’adonnant à la céramique et au tissage,
les jeunes artistes se relient aux plus anciens
métiers du monde – et ainsi à l’Histoire de
l’humanité toute entière.
Avec leur humilité – doit-on rappeler
l’étymologie, humus/terre, de ce terme ? –
et leur vénération de l’imperfection qui
forcerait le respect d’un Yanagi Soetsu,
ces artistes participent à un nouveau mode
d’appréhension du réel qui tente de s’éloigner de la condition si bien décrite par Lyotard. Nous le définissons comme Oracular/
Vernacular : une envie de se projeter à nouveau vers l’avenir grâce à un enracinement
dans le passé et les traditions vernaculaires.
Un désir non seulement éloigné de la fuite
en avant moderne mais aussi de la stase
postmoderne. CODE South Way se fait ainsi le chantre de cette nouvelle ère.
CODE South Way se veut être une manière
de comprendre ces cristallisations, de les
déplier, de les analyser. À la suite d’Heinrich
Wölfflin, ce magazine s’engage dans une
vision où le formalisme est ancré dans son
contexte : « un style est l’expression d’une
époque » écrivait avec justesse l’historien.
Les œuvres de ce début du XXIe siècle ne
sont jamais aussi violentes qu’un bon mot
sur un étendard ; elles n’en sont pas moins
efficientes. À l’instar de ces dernières,
CODE South Way porte de manière oblique
un projet politique : un dépassement de
cet Anthropocène qui semble plus être un
capitalocène.
Un dépassement n’implique pas forcément une destruction. Une révolution,
en anéantissant une aristocratie, détruit la
culture dont elle est issue. Or, accomplir une
révolution – faire table rase du passé – est à
l’opposé des valeurs de CODE South Way.
Il semble dès lors nécessaire de regarder à
l’échelle de notre civilisation plutôt qu’à celle,
trop réduite, de notre société qui arrive à son
terme. CODE South Way est un plaidoyer
pour une conscience historique, seule perspective vers un avenir.
Charlotte Cosson & Emmanuelle Luciani
Merci à Laetitia Chauvin & Clément Dirié
pour leur confiance.
Se dessine ici notre définition des
œuvres d’art : ce sont des cristallisations
formelles de changements du monde.
Avril—Octobre 2016
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