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sité de nos frontières. La figure de Pan, convoquée ici par le biais de la référence à la statuaire antique et de ces interprètes aux allures de satyres ou de faunes (c’est-àdire d’une humanité mêlée à l’animal, donc altérée dans son identité fermée), institue la peur collective dont le dieu grec est la figure tutélaire. C’est parce qu’il est maître de la foule hystérique et qu’il a la capacité d’y faire perdre à l’individu son humanité qu’il imprime à la foule ses vagues de peurs dites paniques. Aussi le film rappelle-t-il ce rejet de l’Autre qui fait aujourd’hui se dresser la foule en masse comme on ne l’avait plus vu depuis les années trente, signe de cette peur panique à laquelle cède une Europe qui voit dans l’hospitalité offerte à l’étranger le danger d’une subversion de son identité. Mais la figure de Pan est aussi liée à celle de l’Amour, son propre amour pour le berger Daphnis et l’amour de ce même Daphnis pour Chloé dont il rendra possible la réalisation. Et c’est à cet amour d’aube que renvoie la bande son de 90 minutes, produit de l’étirement des six minutes empruntées au Lever du jour extrait de Daphnis et Chloé de Ravel. Est-ce un hasard qui veut que cette histoire d’amour se termine dans une bacchanale sur la Lesbos mythologique dont le prolongement dans l’Histoire contemporaine figure le lieu même de la pénétration de l’Europe par l’étranger – le réfugié – et dont Panic propose par la superposition à Sodome une résolution des polarités mythologiques du genre, la Sodome des hommes et la Lesbos des femmes ? D E S O D O M E À L E S B O S une panique de la péné tra tion Cédric Aurelle, marseillais (de naissance), ardéchois (de seconde naissance), parisien (fatalement), sénégalais (pour l’état des services accomplis), pompidolien (pour l’art au centre), berlinois (sur le retour), carioca (par anthropophagie), angeleno (par anthropocénisme), athénien (par élection), proustien (par amour) et critique d’art (par attitude). L O U I S P H I L I P P E S C O U F A R A S ­— C é d r i c Louis-Philippe Scoufaras, Panic, 2014, projection vidéo stéréotomique 3D, couleur, son, 90 minutes. Courtesy de l’artiste et xavierlaboulbenne, Berlin A u r e l l e SOUTH 22