« structures » de ce type, Jardin Luminoso et
Rosa Chancho (Buenos Aires), Cordón Plateado (Rosario), Estudio 13 (General Roca)
et La Baulera (Tucumán) sont les plus emblématiques. Le Colectivo de artistas agit
comme un incubateur d’artistes ; un espace
de vie / atelier où se croisent et évoluent sous
un même toit des compétences, des générations et des pratiques hétéroclites.
Évoluant hors du circuit de l’art,
ces collectifs ont tous pour dénominateur
commun le rejet des formes classiques de
représentation et des institutions officielles.
Accusées de conditionner et d’absorber
l’œuvre dans un langage inintelligible, ces
dernières sont ignorées au profit de l’espace
de la rue. Ils se détournent des descriptions
figuratives et des préoccupations pour un
quelconque concept de beauté afin de ne
considérer que la réalité, de s’y impliquer et
d’en témoigner. Au réalisme qui inscrit l’art
dans un présent historique au risque d’approcher le solipsisme, ces collectifs se tournent
vers un présent dynamique, concret. La figure de l’artiste en marge du monde s’envisage dès lors comme un être politique,
engagé, qui incorpore la dimension créative
dans les diverses formes de protestations sociales. Dans un pays où plus qu’ailleurs, tout
est politique, l’œuvre d’art se réalise moins
dans son autonomie que dans l’expérience et
le contexte. Esthétique de la politique d’une
part, art contextuel d’autre part qui, comme
l’écrit Paul Ardenne, « s’ancre dans les circonstances qui rythment le développement
d’une société et se révèlent soucieuses de
“tisser avec” la réalité ».
La particularité du système argentin
de ne reposer ni totalement sur son marché
(modèle nord-américain), ni principalement
sur ses institutions publiques (modèle européen), a mis l’accent sur l’initiative privée. Les artistes ouvrent facilement leurs
ateliers ; les plus reconnus soutiennent
la création locale à l’image de Guillermo
Kuitca et son programme de bourse éponyme actif entre 1991 et 2011. Cette aide
dirigée exclusivement vers la scène émergente
a permis à plusieurs artistes comme Luciana
Lamothe, Mauro Guzmán et Carlos Herrera
de bénéficier d’un espace, d’un encadrement
et de l’aura internationale du peintre. Face au
manque d’infrastructures et de formations,
d’autres personnalités de l’art en Argentine
ont fondé des résidences d’artistes internationales. Les plus connus, URRA (dirigée par
l’artiste Melina Berkenwald) et Proyecto ace
(fondée par l’artiste Alicia Candiani) s’inscrivent dans une dynamique récente, proche
du modèle européen et sont destinées elles
aussi à des artistes émergents.
Avec l’avènement d’un gouvernement
démocratique, des formes d’apprentissage et
de diffusion en marge des voies académiques
se sont développées et légitimées. La scène
contemporaine argentine reflète le défaut des
politiques de production artistique longtemps
quasi inexistantes. Le décalage entre l’apparition de nouveaux médias et la réponse tardive
des institutions a forgé une communauté solidaire adepte des voies alternatives.
La Clinica de obra incarne ce modèle
d’éducation informel. Apparue dans les années quatre-vingt-dix et étendue depuis au
territoire national, elle consiste en la réunion
de jeunes artistes sous la supervision d’un
professeur-mentor. Dans la Clinica de obra,
le produit final importe moins que le processus créatif. Une différence majeure avec les
Colectivos de artistas qui, s’ils se sont aussi
développés suite aux défaillances de l’enseignement institutionnel, se concentrent sur
l’aspect technique. Parmi les nombreuses
Si le manque d’infrastructures officielles a freiné le développement du marché
de l’art argentin au niveau international, il a
généré une scène émergente familière avec
les modèles alternatifs, le dialogue transgénérationnel ainsi que la culture des réseaux
comme écho aux logiques groupales. Le parcours de l’artiste Maria Olmedo illustre avec
pertinence les particularités et les exigences
de cet écosystème évoluant en parallèle du
climat économique instable de l’Argentine.
Formée aux arts visuels à l’Université nationale des arts de Buenos Aires et à l’Université de New York, diplômée en marketing,
cette artiste d’une vingtaine d’années s’est
construite au contact de ces modèles informels. Participer aux Clinicas de obra, prendre
SOUTH
18
L
a
c
r
É
a
t
i
o
n
c
o
n
t
e
m
p
o
r
a
i
n
e
a
r
g
e
n
t
i
n
e
reflet
d’
une
esthétique
du
politique
—
V
i
n
c
e
n
t
K
o
z
s
i
l
o
v
i
c
s