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Vibrato coloré Matteo Nasini par Laetitia Chauvin Commencer une carrière comme joueur de contrebasse classique diplômé du prestigieux conservatoire Santa Cecilia à Rome avant d’oser exposer ses dons de plasticien est une trajectoire bien sinueuse, a fortiori dans une époque obnubilée par le rendement. Avoir participé à l’Orchestra Giovanile Luigi Cherubini à Ravenne et côtoyé les plus grands chefs d’orchestre avant de s’ouvrir à d’autres réseaux et se plier à d’autres systèmes de reconnaissance dénote l’esprit téméraire et audacieux qui anime l’artiste italien Matteo Nasini. Sans renier pour autant la musique, il se livre depuis 2009 à des incartades dans le champ plastique. Avant toute chose, on ne saurait trop recommander au lecteur de devenir auditeur et d’écouter également le soundcloud1 de l’artiste tant l’appréhension de son œuvre doit se partager entre l’observation et l’écoute. Le point de convergence œil-oreille est très justement celui qui est sollicité par la synopsie – une forme de synesthésie dans laquelle le sujet associe les sons et les couleurs, voire « entend en couleur » – que Matteo Nasini a développé très jeune. La synopsie de Vassily Kandinsky était notoire et il n’a eu de cesse de peindre et théoriser les intimes relations qu’il percevait entre couleurs et sons ; Paul Klee fut également un artisan célèbre du rapprochement de la peinture et de la musique, calquant la construction de ses images sur la composition longiforme des portées musicales et le rythme de ses motifs sur la répétition des notes. A leur suite, Matteo Nasini s’engouffre dans le jeu des équivalences, compatibilité, convergence, transposition, voire interopérabilité entre musique et art visuel. 1 https://soundcloud.com/ matteo-nasini/ L’œuvre Line offre une application directe de ces correspondances : des réseaux de fils de laine, tendus entre des troncs d’arbres outdoor ou d’une salle à l’autre indoor, projettent dans l’espace des portées colorées auxquelles des notes pourraient se suspendre. Délire des grandeurs d’un joueur de cordes, Line s’envisage comme un instrument géant, dont l’environnement tout entier se donnerait comme une caisse de résonance et les corps ou le vent comme l’arc