DOSSIER
RÉTROSPECTIVE : Partenaires particuliers...
Par Marie-Hélène LANGE, coordinatrice des for-
mations animateurs et coordinateurs, CREE asbl
Demain la formation d’anima-
teurs commence. Je suis impa-
tiente d’y aller et d’apprendre
les BA-BA de l’animation. Dans
les informations reçues, j’ai vu
que nous allions avoir dans notre
groupe quatre jeunes sourds
qui eux aussi vont suivre la for-
mation. C’est chouette, je n’ai
jamais rencontré de personnes
sourdes. Ce sera l’occasion
d’échanger avec eux et peut-
être d’apprendre quelques mots
en langue des signes.
Demain je commence ma for-
mation d’animateurs. Nous se-
rons un groupe de quatre sourds
parmi en groupe de seize per-
sonnes. Le responsable de for-
mation m’a expliqué qu’il y aura
une aide à la communication*
pour nous aider tout au long de
la formation. J’espère que ce
ne sera pas des cours comme
à l’école car je n’aime pas trop
la théorie et les longues expli-
cations. Deux de mes amis font
leur formation en même temps
que moi, je suis rassuré de déjà
connaitre des participants.
La formation a commencé, c’est
chouette. L’ambiance dans le
groupe est conviviale. Ca fait
bizarre car toute la journée, à
côté du formateur il y a une per-
sonne qui gesticule dans tous les
sens pour que les sourds puissent
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participer aussi. Pour le bon
fonctionnement de la formation,
nous devons respecter des règles
de
communication,
parfois
contraignantes : toujours lever la
main et attendre de recevoir la
parole pour s’exprimer, ne pas
se couper la parole, attendre la
fi n de l’interprétation et donner
quelques secondes de réfl exion
avant de pouvoir répondre aux
questions posées, toujours êtres
placés en cercle… Lors d’un
travail de groupe, je me suis re-
trouvée avec deux personnes
sourdes, on avait des idées et
des visions des choses complè-
tement différentes et ce n’était
pas toujours facile de se faire
comprendre. Comme l’aide à
la communication n’était pas
toujours à notre diposition, nous
avons fait preuve d’invention
pour communiquer par écrit, par
mime ou par dessin. Je trouve
ça enrichissant de rencontrer
des personnes différentes, cela
m’oblige à être plus tolérante,
à m’adapter. Durant le module
"chant", les sourds ont quitté le
groupe pour vivre un moment
entre eux.
La formation a commencé, le
groupe d’entendants est sympa,
il y a une bonne ambiance et
une bonne collaboration entre
tous les participants. Je suis assez
fatigué car c’est long de fi xer la
personne qui traduit pendant
toute la durée du module. Parfois
les entendants ont beaucoup
d’idées et parlent beaucoup.
Nous les sourds, avec le décalage
de l’interprétation, nous n’avons
pas toujours l’occasion d’inter-
venir. Heureusement le forma-
teur est attentif à demander aux
autres d’attendre quelques se-
condes pour que nous puissions
aussi apporter des idées. Parfois
quelqu’un passe devant l’aide à
la communication, je ne la vois
donc plus les signes et donc ne
reçois plus les informations. Rien
de grave, nous le faisons remar-
quer et tout le monde est plus
vigilant. Les travaux de groupe,
je préfère les faire seulement
avec les sourds car alors je peux
m’exprimer librement sans devoir
passer par l’aide à la communi-
cation ou tout autre stratagème.
Je me sens alors plus à l’aise pour
m’exprimer. Aujourd’hui, il y avait
un module poésigne, nous étions
entre sourds et avons appris à
jouer avec notre langue mater-
nelle pour l’exploiter dans des
activités pour les enfants.
Me voilà de retour de forma-
tion, j’ai appris comment de-
venir une animatrice et j’ai
* une
aide à la communication = une
personne qui va s’approprier le message
de l’orateur pour l’expliquer à un public
spécifi que. Il est possible alors que le
message soit un peu transformé, qu’il y
ait des ajouts pédagogiques afi n d’assu-
rer une meilleure compréhension par le
public cible (une aide à la communica-
tion n’est pas une interprète).