DOSSIER
Quand un parent impose des choix alimentaires
Par Olivier Geerkens, Formateur ATL COALA
Je suis parent, je décide de ce
que mon enfant mange… même
quand je ne suis pas là !
Quentin VERNIERS est coordinateur
du RIEPP (Réseau des Initiatives
Enfants-Parents-Professionnels),
un réseau d’acteurs et un centre
pour l’innovation, la recherche et
la formation dans l’éducation des
enfants de 0 à 12 ans.
Il propose son point de vue.
Quel que soit le lieu que fréquente l’enfant, ses parents en
restent les premiers éducateurs. Ils
connaissent ses habitudes mieux
que quiconque. Ils posent des
choix qui concernent sa vie à la
maison, mais aussi les autres lieux
qu’il fréquente. Cet enfant reste
l’enfant de ses parents, qu’il soit
sous leur regard ou non. La parole
des parents et leurs souhaits pour
l’enfant sont donc primordiaux,
surtout concernant un sujet aussi
sensible que l’alimentation.
Pour autant, les animateurs ne
sont pas des exécutants aux
ordres des parents. Ils ont à faire
avec les contraintes, les objectifs de la collectivité, avec leurs
propres convictions, leur projet,
leurs idées, et avec ce que l’enfant exprime et vit hors du milieu
familial.
Quand les habitudes familiales et
celles du milieu collectif diffèrent,
cela génère des tensions, des in-
Face à ces difficultés, parents
comme
accueillants
développent toute une palette de mécanismes de défense :
• arguments d’autorité : "Je
paie, vous devez faire comme
je veux. ", "C’est écrit dans le
projet d’accueil, vous l’avez
accepté."... ;
• dissimulation : "Je t’en donne
mais tu ne dis rien à tes parents, OK ?";
• contournement : "Je viendrai
te chercher pour manger." ;
• dénigrement : "Ils ne pensent
pas à son bien.", "Ils n’y
connaissent rien"... ;
Pour dépasser ces obstacles, voici
une proposition en trois temps1.
D’abord, un regard de décentration : qu’est-ce qui me pose
problème ? Quelles valeurs, quels
Margalit Cohen-Emerique, Pour une approche interculturelle en travail social.
Théories et pratiques, Presses de l’EHESP, Rennes, 2011
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compréhensions, des difficultés à
reconnaître l’autre comme compétent. Lorsqu’elles surgissent, ces
situations mettent les animateurs
et les parents en difficulté. Chacun peut avoir le sentiment de
ne pas être respecté dans ses
valeurs, dans ses choix, dans ses
compétences... Même si, de part
et d’autre, le bien-être de l’enfant
est le plus souvent recherché.
S’ensuit alors la difficulté à communiquer et à décider de l’attitude à adopter : faut-il poser des
actes en contradiction avec ses
valeurs propres ? Ou agir en opposition avec ce qui est défendu
par l’autre ?
principes cela heurte-t-il chez
moi ?
Ensuite, un effort de pénétration du système de référence de
l’autre : pourquoi agit-il ainsi ?
Quelle est son intention positive ?
Enfin, une tentative de négociation : à partir de nos visions différentes de ce qui est prioritaire
pour l’enfant, mais aussi de notre
souci commun du bien-être de
celui-ci, comment pouvons-nous
trouver un arrangement ?
Il ne s’agit pas de s’accorder sur
qui a raison et qui a tort. Cela mènerait à une impasse. Il s’agit plutôt de trouver un terrain d’entente
sur comment faire concrètement
avec les différences relevées. Par
exemple, dans le cas de Salma
(voir page 10): s’entendre sur le
fait que l’enfant ne reçoive pas
de viande mais que sa demande
soit relayée à ses parents en fin de
journée. Ainsi, sont respectés à la
fois son expression et le souhait
parental.