Atypeek Mag N°1 | Page 26

26 ATYPEEK MAG #02 Interview : Robin Ono JANV./FEV./MARS 2017 INFOS : www.jozefvanwissem.com/ “Sérieusement, les gars ! Vous avez quelqu’un sur scène qui vous livre son âme. Ce n’est pas rien !” Jozef Van Wissem © Gwendal Le Flem Tout comme Keiji Haino, c’est un sacré personnage, un artiste reclus et hermétique. Jozef Van Wissem : Je deviens de plus en plus reclus lorsque je ne suis pas en tournée aussi. Je ne sors pas trop. Je sais qu’il y a beaucoup d’artistes qui ne parlent pas à leurs fans et qui rentrent direct à l’hôtel. Je ne fais pas ça, je reste toujours à discuter avec les gens. Je trouve que c’est important mais ça a son prix aussi. Au bout d’un moment je n’ai plus envie de parler à personne. T’as aussi une part de magie quand tu restes seul. Tout partager et être ouvert aux gens a son prix. Parfois j’ai envie de partir dans les bois et disparaître et composer de belles œuvres. Qui sait, peut-être que je le ferai un jour ! (rire) Quelle place accordez-vous à la tradition et au répertoire traditionnel lorsque vous jouez et que vous composez ? Jozef Van Wissem : Lorsque je commence une période de composition, tout est condensé par le temps. Quand je suis tout seul je joue ces pièces du répertoire classique pour me mettre dans le bain. Ça commence comme ça. Au bout d’un moment je commence à me lasser de la technique et je commence à jouer ma propre musique et à improviser sur les mélodies du répertoire et sur les parties qui me plaisent à ce moment-là. J’ai toujours une œuvre préférée du moment que je répète tout le temps. Il y aura toujours une partie qui m’interpellera et qui se développe éventuellement en une composition. Il peut s’agir de 3 notes ou d’un simple accord. Elles constituent toujours une base, un point de départ. Jozef Van Wissem : En effet. Il peut également s’agir d’une mélodie qui me vient à l’esprit. L’étape de composition est toujours une période très concentrée où je ne peux faire que ça. Elle a toujours un début et une fin bien définie. C’est très étrange. Ça peut durer entre une semaine et 3 semaines. C’est très clairement défini, tout est écrit dans cette période. Je ne reprends jamais des morceaux issus d’autres périodes ou sessions, ça ne me paraît jamais ap- proprié. L’album est de ce fait un document qui définit la période en question. Le luth est un instrument inscrit dans une tradition historique prédatant l’ère de la musique enregistrée. Comment abordes-tu la question des concerts par rapport à tes albums studio ? Jozef Van Wissem : Ça n’a rien à voir, ce n’est pas comparable. Un concert est une histoire, un dialogue avec le public. Je fixe le public et ils me fixent, il y a un flux dans les deux sens. Les albums sont des œuvres très personnelles, elles tournent autour d’un concept lié à mes lectures du moment, ce qui donne naissance aux titres et à mes humeurs du moment. Quand je monte sur scène pour jouer, les morceaux deviennent autre chose. Il n’y a aucune volonté d’émuler l’expérience live sur disque. Jozef Van Wissem : Non, ce n’est pas censé émuler les concerts live du tout. Quand je fais un album je crée ces grosses compositions avec plein de voix alors que sur scène je joue tout seul. Pour moi l’aspect live ne vient pas que de la musique mais aussi du voyage. C’est très dur de voyager aujourd’hui, notamment à cause des questions de sécurité. Les gens ont tendance à croire que les artistes vivent une vie de rêve, mais c’est l’inverse. Quand t’arrives sur scène t’es déjà complètement en phase à cause du périple que ça a été d’arriver là. J’ai toujours vu le trajet vers la salle comme étant tout aussi important que le concert en lui-même. C’est généralement quand t’arrives complètement stressé qu’ont lieu les meilleurs concerts (rires). Vous évoquez souvent l’idée de sortir le luth des musées et la réhabiliter dans la musique contemporaine. Vos compositions utilisent notam- ment la répétition et ses effets sur la perception auditive, un procédé moderne qui échappe encore à la sensibilité du grand public. Com- ment envisagez vous garder cette part d’expérimentation tout en réhabilitant le luth au grand public ?