Atypeek Mag N°1 | Page 171

SUR VOS LECTEURS DVD, Blu-Ray Au moment où Donald Trump sidère le monde entier en remportant la présidentielle 2016, comment le cinéma américain regarde- t-il la politique ? Réponse en 10 films. Le cinéma et la politique américains, c’est une vieille histoire presque consanguine. D’abord parce que le cinéma, même s’il l’est moins maintenant, a toujours été considéré comme un puissant outil de propagande par tous les gouvernements possibles. Ainsi, même si la politique n’est pas leur sujet apparent, beaucoup de films américains ont porté dans le monde entier une image et une idée de l’american way of life et de ses valeurs fondatrices, et cela que leurs auteurs ou producteurs soient d’obédience républicaine ou de tendance démocrate. Ensuite, parce que parmi cette vaste production, nombreux sont les films frontalement politiques, soit parce qu’ils expriment une vision politique, soit parce qu’ils observent le fonctionnement du système politique américain. au Sénat, Monsieur Smith de Frank Capra (1939) Sans doute la “mère” des films politiques américains, le premier des grands classiques hollywoodiens marquants qui a scruté les arcanes de Washington. On y suit le parcours d’un monsieur Toutlemonde, honnête citoyen idéaliste qui devient sénateur et se heurte aux manœuvres des politiciens roués et aux intérêts cyniques des lobbys financiers. Le discours-fleuve final de James Stewart/Mr Smith est un morceau de bravoure. Si la vision de Capra peut aujourd’hui sembler naïve, il a ici touché une corde qui est plus ultrasensible que jamais en 2016, celle du fossé (réel ou ressenti) entre les citoyens ordinaires et les politiciens professionnels. La Cible parfaite, de Jacques Tourneur (1958) Un film méconnu de Tourneur pourtant aussi beau et passionnant que La Féline ou Vaudou. Sur une intrigue de polar et avec un budget de série B, Tourneur évoque le rôle des instituts de sondages, leurs relations parfois consanguines avec les milieux politiques, la possibilité d’enquêtes d’opinion truquées visant à influencer les électeurs, le poids des lobbys. Là encore, les questions soulevées par ce film n’ont pas pris une ride quand on voit que tous les sondages se sont plantés sur l’issue du duel Trump-Clinton. Tourneur allie une critique du système politique américain à la beauté sèche caractéristique de son style. Le président veut nommer un nouveau secrétaire d’État aux affaires étrangères, mais l’homme qu’il choisit ne bénéficie que d’une courte majorité au Sénat et a aussi quelques adversaires dans son propre camp, dont un rival qui l’accuse de sympathies communistes. Radiographie précise et complexe du fonctionnement de la politique américaine, des rapports entre le législatif et l’exécutif, des rivalités personnelles et des intrigues de couloir, le tout porté par la mise en scène au scalpel de Preminger. Un chef-d’œuvre qui n’a pas pris une ride. ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 171