Art & Inspiration N° 2 - Summer-Fall / Été-Automne 2013 | Page 67

Mexicanidad qui prône un art proprement mexicain sans aucune influence occidentale où l’art populaire mexicain et les racines précolombiennes sont remises à l’honneur. Elle se tourne ainsi vers l’ex-voto mexicain et utilise les matériaux, les supports, le format, la composition générale, le traitement pictural afin d’exprimer dans un style personnel et transgressif sa figure de sainte ou de martyr.

D’origine allemande et mexicaine par ses parents, Frida va revendiquer son identité métisse dans l’ensemble de son œuvre mais elle va aussi créer un art métis en mêlant des influences européennes, mésoaméricaines et orientales. A partir de 1940, elle s’intéresse particulièrement aux religions asiatiques dont ses œuvres se font l’écho.

Après son mariage, elle peint relativement peu mais certains tableaux où elle se figure avec Diego montrent une transformation qu’elle a initiée pour forger une image de leur couple qui restera dans l’histoire comme dans Frida Kahlo et Diego Rivera (1931) Abandonnant l’uniforme révolutionnaire (jupe droite, chemise de militante, cravate et chignon), elle porte désormais les costumes caractéristiques des Tehuanas de Tehuantepec qui vivent dans une société matriarcale (blouses brodées, rebozo de soie, chemises de satin ou huipils ornés de fleurs multicolores). Ce choix souligne sa volonté de revendiquer son statut de femme indépendante et libre.

Son art est engagé. Il exprime le combat qu’elle mène au quotidien contre sa solitude, sa souffrance physique et morale et sa position dans la société mexicaine. En effet, elle traite de sujets tabous comme l’accouchement, l’avortement, la violence conjugale, l’automutilation ou les liaisons homosexuelles dans une société dominée par les hommes. La réflexion qu’elle mène autour du corps féminin démontre une conscience féministe précoce qu’elle a su développer plastiquement . Elle est la première femme dans l’histoire de l’art à peindre le sang menstruel, associé dans toutes les sociétés à l’impureté. Elle se sert de son expérience pour oser montrer ce qui est tabou dans la société mexicaine des années 1930. Dans la Mascara (1945), elle se représente avec un masque de la Malinche, une des figures mythiques de la culture populaire mexicaine. Maîtresse de Cortès, la Malinche est à la fois vue comme une traîtresse mais aussi comme la mère originelle du peuple mexicain. Offerte par Cortès à l’un de ses hommes, Malinche symbolise aussi la femme vue comme objet sexuel. En se représentant sous ses traits et en laissant couler des larmes, Frida montre sa tristesse et son impossibilité à représenter à nouveau un visage fier et légèrement arrogant comme dans ses autres autoportraits. Elle se montre ici telle qu’elle est, impuissante et fragile. La référence à la Malinche s’explique peut-être par le sentiment qu’avait Frida de vivre à l’encontre des conventions de son époque, n’ayant pas occupé le rôle conventionnel de la femme mexicaine mariée et mère, ayant eu des relations extraconjugales homosexuelles et hétérosexuelles mais aussi aucun enfant.

Malgré une adhésion très tôt au parti communiste en 1928, la peinture de Frida ne sert la cause communiste que dans les dernières années de sa vie. Elle écrit dans son journal son désir de « servir le parti » et d’« être utile à la révolution ». Elle entretient un rapport quasi religieux avec le communisme en représentant les figures de Marx, Lénine ou Staline comme des saints. Ainsi dans Frida et Staline (1954), Staline est placé dans la composition de telle sorte qu’il occupe le rôle du saint comme dans les ex-voto mexicains. Cependant son décès l’empêchera de mener à bien son soutien à la cause communiste.

sadness and the impossibility to paint a proud and slightly arrogant face as she had painted in her other self-portraits. She shows herself just as she is: powerless and fragile. The reference to La Malinche is perhaps explained by Frida’s drive to go against the social norms of her time. She did not play the rôle of traditional Mexican wife and mother, as she had extra-marital heterosexual and homosexual affairs and as she had no children.

Despite becoming an early member of the Communist party in 1928, Frida’s paintings served the Communist cause only in the last years of her life. She wrote in her diary about her desire to "serve the party” and to “be useful for the revolution.” She maintained an almost religious relationship with communism by depicting the figures of Marx or Stalin as saints. In Frida and Stalin (1954), Stalin is represented in the painting in a way that he plays the role of a saint, similar to how saints are depicted in Mexican ex-voto paintings. However, she was not able to fulfill her drive to serve the Communist party before her death.

"People thought I was a Surrealist. That's not right. I have never painted dreams. What I painted was my own reality.”

« On me prenait pour une surréaliste. Ce n’est pas juste. Je n’ai jamais peint de rêves.

Ce que j’ai représenté était ma réalité ».

- Frida Kahlo

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