sites et collections de musées, en fournissant des informations vitales sur la gestion des situations d’urgence
et les réponses à apporter en matière d’évacuation des
collections, d’évaluation des dommages, de la création de réseaux et du renforcement des capacités des
équipes techniques en prévision d’un rétablissement
de la situation et d‘une phase de reconstruction4.
Colonisation et atteinte au patrimoine
gistre national des bâtiments historiques (1994-2007),
l’association a publié un inventaire en trois volumes
contenant des fiches détaillées, des cartes et des photographies de plus de 420 villages répartis en 16 districts
de la Cisjordanie, de Jérusalem et de la bande de Gaza.
Ce travail de fond, outil élémentaire et nécessaire
pour une entreprise plus large de protection et de revitalisation du patrimoine bâti palestinien, a fait face à
la triste réalité de la faiblesse des moyens humains et
matériels disponibles, le triste constat de revenir à une
protection sélective, et non générale, d’édifices isolés
emblématiques du patrimoine palestinien ou, au plus,
des portions de centres anciens6.
Au regard de ces actes de violences qui mettent en
péril le patrimoine des villes historiques arabes, la
Fondation a condamné fermement les atteintes au patrimoine et à l’identité de la ville sainte de Jérusalem
et lancé un appel solennel à restituer les biens spoliés
en Irak et en Syrie et à épargner les sites historiques
dans les pays arabes en temps de guerre et a appelé
les différentes parties à assurer la protection des biens
culturels en cas de conflit armé et à établir un système
renforcé de protection en faveur de biens culturels spécialement désignés.
Jérusalem, Cité de la Paix, connaît des tentatives
continues de modifier son histoire et est menacée dans
son identité profonde. L’Etat sioniste construit un mur
de séparation entre les territoires palestiniens et l’État
d’Israël lui-même. Bien que la construction de ce «mur
de la honte» soit considérée comme illégale par la Cour
Internationale de Justice (CIJ)5, ce mur sépare des centaines de sites du patrimoine archéologique et culturel
de leur élément initial.
Selon l’exposé écrit déposé par la Palestine pour l’avis
consultatif de la CIJ, les dangers pour le patrimoine
culturel sont nombreux : « Le patrimoine culturel est
un élément de l’identité culturelle de la communauté
palestinienne et fait partie intégrante du patrimoine
humain. Le mur sépare les collectivités dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est,
de centaines de sites du patrimoine archéologique et
culturel. De plus, peu d’opérations de sauvetage ont
été menées pendant la construction du mur, ce qui indique qu’aucune évaluation adéquate des dommages
à l’environnement et aux sites archéologiques n’a été
réalisée avant le début des travaux».
Selon le même rapport, plus de 230 sites archéologiques importants ont été isolés dans la zone fermée,
sans compter les sites de « moindre importance », que
le rapport chiffre à 1750 (cimetières, sanctuaires tours,
etc.) Ainsi, dans la seule zone de Ramallah, plus de 500
sites se trouveront à l’ouest du mur, c’est-à-dire en territoire israélien. De plus, certains sites sont carrément
détruits par la construction du mur, comme le site archéologique byzantin de Khirbet Salah, à Jérusalem.
Pour l’ensemble de la Palestine, le constat est amer.
C’est l’ONG palestinienne Riwaq qui en fait état. Après
avoir mené pendant 13 années la réalisation du re-
Mais les conflits et la colonisation n’ont pas le monopole de la destruction du patrimoine arabe. L’incurie
des gouvernants pèse de tout son poids.
Prenons le cas tunisien. Plusieurs villes sont inscrites
au patrimoine mondial de l’Unesco. Le code du patrimoine fut promulgué en 19947, ouvrage juridique de
qualité, il ne sera pas suivi d’applications et les plans
de sauvegarde et de mise en valeur (PMSV) qui y sont
prévus n’ont toujours pas vu le jour. La régénération
des quartiers anciens reste absente des politiques publiques en matière d’habitat de la grande majorité des
pays arabes8. L’expérience de l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis (ASM) qui a conduit de
nombreuses opérations de référence et développé des
réflexions sur les aspects culturels, économiques et sociaux de la question reste peu suivie et fait figure d’ex-
4 Communiqué de presse du Conseil international des monuments et des sites,
paru le 9 janvier 2013, mis en ligne sur le site de l’institution http://www.icomos.org/
fr/accueil-home/178-english-categories/news/568-la-protection-du-patrimoine-culturel-de-la-syrie-en-temps-de-conflit-arme-icomos-iccrom-cours-e-learning-pour-lesprofessionnels-du-patrimoine-culturel-syrien
5 Procédure consultative de la CIJ, conséquences juridiques de l’édification d’un
mur dans le territoire palestinien occupé, juillet 2004. Consultable en ligne : www.icjcij.org in Pascale COISSARD, La protection du patrimoine culturel en cas de conflit
armé : enjeux et limites du cadre international, Mémoire de fin d’Études Séminaire
droit international Sous la direction de M. Filali OSMAN (Mémoire soutenu en juin
2007), Institut d’Études Politiques de Lyon.
6 Voir le site de l’ong http://www.riwaq.org/ et l’interview de « Suad Amiry: A
Conversation », Kalimat, Issue 03, Autumn 2011 By Danah Abdulla and Karim Sultan.
7 Loi n°94-35 du 24 Février 1994 relat ive au Code de la Protection du Patrimoine
Archéologique, Historique et des Arts Traditionnels, Journal officiel de la République
tunisienne (JORT) n°17 du 1er mars 1994, p. 355- 361.
8 LESAGE Denis, « La régénération des quartiers anciens en Tunisie. Retour sur
la conférence exécutive du 5 juin 2015. », Archibat, Revue maghrébine d’aménagement de l’espace et de la construction, N°35, juillet 2015, Tunis, p. 72.
Le patrimoine arabe, principale victime de
l’incurie des gouvernants
62
ception tant au niveau national que régional.
A la dégradation des centres anciens s’ajoute l’absence
des plans de développement intégrés permettant de les
insérer dans des dynamiques économiques et sociales
plus lucratives. Le patrimoine bâti semble à ce jour perçu plus comme une ligne de dépense que comme un levier de développement économique. De même que les
villes historiques tunisiennes ne disposent pas à ce jour
d’une stratégie d’attractivité territoriale définissant des
résultats à atteindre en matière de public cible à drainer et d’activités économiques culturelles et sociales à
promouvoir à court, moyen et long terme.
trimoine est bien un enjeu de taille, dont la portée a
été parfaitement saisie par ceux qui veulent qu’avec
les pierres, disparaisse la mémoire. Mémoire d’ailleurs
impossible à reconstituer en l’absence de programmes
scientifiques et éducatifs sérieux à la hauteur de la richesse du legs.
***
Ces quelques exemples ne sauraient suffire à dépeindre une situation que d’aucuns qualifient d’alarmante. L’irréversibilité des pertes subies par le patrimoine arabe et la mise à mal du patrimoine immatériel
du fait de l’insouciance des gouvernants ne laissent à ce
stade rien augurer de bon.
S’il est difficile d’esquisser un panorama de la situation dans le monde arabe, c’est qu’aux conflits, à la colonisation, à l’incurie et à l’automutilation, décrits plus
hauts, se joint un manque d’études et de documentation, lacune de taille condamnant le patrimoine architectural et urbain à disparaître au propre et au figuré.
Le fait que les lieux considérés comme héritage collectif soient l’objet particulier de programmes de démolitions organisées, alors même que les Etats arabes,
en majorité, sont incapables de mettre en place une
politique patrimoniale cohérente, prouve que le pa-
Né à Tunis en 1979, Adnen el Ghali a étudié l’architecture,
l’urbanisme et l’histoire à Paris, Rome et Buenos Aires.
Expert auprès de l’Association de Sauvegarde de la
Médina de Tunis, il y a effectué de nombreuses recherches
et contribué à des projets régionaux et européens de
protection et de mise en valeur des métiers et espaces
historiques de la Ville de Tunis.
Arab Heritage in Danger, this memory that
erases, by Adnen El Ghali
هــذه الذاكــرة التــي نمحوهــا بقلــم:التــراث العربــي فــي طــور اإلندثــار
عدنــان الغالــي
On the occasion of the international congress on
the heritage of the Arab and African historical cities,
held in Tunis on June 4, 2015 on the issue of «Governance of the historical and traditional heritage of the
Arab and African cities: What role for local authorities and civil society?», the Foundation for heritage
and Arab historical cities, through the voice of its General director, had expressed concern to the increasing acts of serious harm on tangible heritage of the
Arab world in a regional context marked by strong
tensions and violent armed conflicts and had sounded the alarm bell given the extent of the disaster (...)
علــى هامــش المؤتمــر الدولــي حــول التــراث و المــدن التاريخيــة
تحــت2015 جــوان4 العرب ّيــة و اإلفريق ّيــة الــذي إنتظــم بتونــس فــي
عنــوان « حوكمــة التــراث ال ّتاريخــي و التقليــدي للمــدن العربيّــة
أعربــت. » دور الجماعــات المحليّــة و المجتمــع المدنــي:و اإلفريقيّــة
،مؤسســة التــراث و المــدن التاريخ ّيــة العرب ّيــة مــن خــال مديرهــا العــام
عــن قلقهــا مــن تزايــد األعمــال الضــارة و الخطيــرة ضــد التــراث
المــادي للعالــم العربــي فــي ســياق إقليمــي يتميّــز بالتوتــر الكبيــر
و بالصراعــات المســلحة العنيفــة و دقــت المؤسســة ناقــوس الخطــر أمــام
)...( حجــم الكارثــة القائمــة
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