L’image dans le monde arabe à travers les
cartes postales
par Olivier-Jamil Clément et Selima Abbou
«La carte postale est un imprimé sur un support semi-rigide destiné à un usage postal pour une correspondance brève à découvert »1. Elle est un média vecteur d’images photographiques, très important, avec
bien d’autres informations. Témoignage précis, elle
représente un enjeu de mémoire collective, de « nouvelle histoire ». Les cartes postales documentent, pour
l’ensemble des pays arabes, patrimoine2 matériel et immatériel (vie quotidienne, coutumes, arts, techniques),
événements et personnalités. Objet magique, de collection et de spéculation, « avatar » à forte charge émotionnelle, symbole d’un pays lointain, évoquant des endroits familiers3.
Des millions de cartes postales documentent de ma-
nière continue plus de cent ans d’histoires nationales
dans le monde arabe. Hédi Chenchabi en a identifié six
périodes en Tunisie4.
Invention, développement
Idée allemande (1865), invention autrichienne
(1869), adoption universelle, la carte postale a joui en
Europe d’un environnement économique, culturel et
technique favorable. Fille de l’imprimerie, de la poste
moderne et de la photographie5, elle était monopole de
l’Etat avant de se privatiser.
Les premières cartes illustrées sont apparues à partir de 1895. Elles ont révolutionné la correspondance,
véhiculant des millions d’images de petit format, figuratives, imprimées au moyen de l’héliographie ou
de la photographie, parfois empreintes d’exotisme ou
1 Albert Thinlot.
2 « Le patrimoine culturel ne s’arrête pas aux monuments et aux collections
d’objets. Il comprend également les traditions ou les expressions vivantes héritées
de nos ancêtres et transmises à nos descendants, comme les traditions orales, les arts
du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances
et pratiques concernant la nature et l’univers ou les connaissances et le savoir-faire
nécessaires à l’artisanat traditionnel. Il est répertorié par l’UNESCO » (Alia Belazi).
3 Par exemple « Dar El Béji Echérif », sise 10 rue des juges, à Tunis, dans le
quartier des andalous.
4 Hédi CHENCHABI, Une révolution révélatrice de nouveaux regards photographiques en Tunisie : Histoire et actualité d’une photographie tunisienne peu connue.
5 Les «Maisons» et réseaux de photographes professionnels étaient présents «sur
place» en Afrique du Nord dés les années 1850-1860. Ils étaient en concurrence avec
les voyageurs «de passage».
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sublimant l’idée de l’Orient, mais aussi faisant les inventaires historiques et anthropologiques nationaux,
livrant autant de témoignages réalistes du passé. Elles
sont une sélection riche et variée des oeuvres les plus remarquables des artistes, illustrateurs et photographes.
Les premières cartes postales connues d’Afrique du
Nord sont apparues en 1873 en Algérie : «cartes pionnières», officielles, comme on l’a déjà signalé.
Parallèlement aux cartes orientalistes, recherchant
la grandeur des monuments du passé ou montrant des
fantasmes occidentaux, et les cartes à caractère ethnographiques dites « scènes et types », les cartes allemandes de type « Grüss aus », apparues vers 1895, sont
des cartes à vues multiples, visant à éviter aux voyageurs
de décrire les sites et leur laissant assez d’espace pour
écrire de brefs messages d H