ACTES FIAPA | Page 77

seniors à partir de 60 ans . Donc aujourd ’ hui , nous sommes dans une société de seniors . On ne veut pas en parler car cela fait peur à tous les gouvernements et à tous les politiques . Est-ce que demain nous serons dans une société de lutte entre les juniors et les seniors ? C ’ est la vraie question à se poser . Effectivement , vous voyez bien que les seniors , globalement dans notre société : votent , détiennent le patrimoine mobilier et immobilier , ont une activité professionnelle , et puis même s ’ ils partent à la retraite avec tous les débats que l ’ on connaît aujourd ’ hui , ces seniors représentent ceux qui ont le pouvoir en France d ’ une certaine façon . Est-ce que notre société va devenir une société « ghetto » avec des seniors qui vont se protéger en disant : « c ’ est nous qui avons le pouvoir » face aux juniors ?
Cette mutation des générations est un vrai sujet pour demain : notre société sera-t-elle harmonieuse entre les juniors et les seniors ? Il y a des chaires économiques qui travaillent sur ce sujet-là . Mais aujourd ’ hui on n ’ a pas vraiment de réponse sur la façon de parvenir à créer une société solidaire .
Un des autres principes de l ’ assurance , c ’ est la mutualisation . Mutualiser c ’ est prendre une population , comme nous ce matin , et faire un seul tarif . Si je faisais un tarif individuel , je verrais vos frais de soins de santé , votre comportement , en disant « vous , vous êtes un facteur à risque , et puis vous , vous êtes un peu moins risqué , donc je vais faire un tarif adapté ». Si on fait une approche individuelle , cela se passe comme ça . Si j ’ ai une approche collective , je dis « il y a un seul tarif , je prends tout le monde , et je n ’ ai pas de sélection médicale ». Donc un des principes de l ’ assurance c ’ est la mutualisation d ’ un risque , en disant je couvre une population qui est à peu près homogène et puis les aléas font que tout cela va se compenser . Aujourd ’ hui , est-ce qu ’ on peut demander aux jeunes de demain d ’ être solidaires des personnes plus âgées ? C ’ est le vrai débat que nous avons dans notre société et qui n ’ est pas vraiment posé .
Je travaille avec une gériatre , le Professeur Françoise FORETTE . C ’ est une gériatre qui aime l ’ économie . Elle , comme moi , dit qu ’ il faut que dès le premier salaire , le jeune cotise pour sa perte d ’ autonomie , c ’ est-à-dire qu ’ à 20 ans , lorsqu ’ il commence à travailler , pour quelque chose qui peut arriver à 60 ans ou à 80 ans , il sera couvert sur ce risque futur qui est un aléa . C ’ est peut-être un peu excessif car prévoir à 20 ans sa propre perte éventuelle d ’ autonomie ce n ’ est pas quelque chose d ’ évident .
Concernant la perte d ’ autonomie , le système français est aujourd ’ hui financé par les départements . La décentralisation a fait que ce sont les départements qui financent et reversent l ’ APA , l ’ Aide Personnalisée à l ’ Autonomie . Le problème de fond ce sont les discriminations territoriales . Vous avez des « bons » départements pour être en perte d ’ autonomie et ceux qui sont un peu moins « bons » car ils sont un peu moins riches . Je laisse de côté les DOM-TOM qui sont un cas particulier . On voit bien qu ’ il y a une inégalité sur le territoire . Ce qui est dommage , c ’ est que la loi est faite pour tous les citoyens mais que le territoire n ’ est pas suffisamment régulé .
Néanmoins , ce sujet-là est insuffisant car cela ne couvre pas les frais d ’ une personne âgée . Aujourd ’ hui , la perte d ’ autonomie , c ’ est 80 % des personnes voulant rester à domicile , 20 % sont dans des EHPAD en disant qu ’ ils n ’ ont pas envie d ’ y rester parce que ce sont un peu des mouroirs même si des établissements ont évolué . Sur ce point-là , la France est en retard sur sa capacité d ’ accueil . Je laisse de côté l ’ hôpital car l ’ hôpital ce n ’ est pas un lieu de fin de vie d ’ une certaine façon , même si nous sommes dans un hôpital gériatrique . Le financement est un véritable problème .
Il y a aussi la question des aidants , dits fragiles , dont je parlerai après . Ces 800 millions d ’ euros prévus par la loi ASV sont complétement insuffisants par rapport aux besoins . Le budget aujourd ’ hui de la perte d ’ autonomie totale en France est de 34 milliards d ’ euros . Avec 34 milliards d ’ euros tout est financé et cela représente environ 1,1 point de PIB , c ’ est-à-dire quasiment rien . Un débat a eu lieu en fin d ’ année 2018 et au début de l ’ année 2019 sur ce sujet-là avec Dominique LIBAULT et la Ministre Madame BUZYN . Il a été prévu de faire une grande concertation citoyenne sur les personnes âgées en disant qu ’ il fallait du financement . Aujourd ’ hui , le financement on ne l ’ a pas : il manque 10 milliards par an de financement sur la perte d ’ autonomie . Donc c ’ est un vrai sujet où il faudra que les pouvoirs publics et le privé puissent s ’ entendre .
Quelles sont les solutions de financement ?
Cela fait 10 ans que l ’ on fait des rapports sur la vieillesse . Mettre en place une TVA sociale est impossible , tout comme l ’ augmentation de la CSG . Au niveau des assurances , cela est plus compliqué car les pouvoirs publics n ’ aiment pas les assureurs . De plus , il y a trois familles dans les assureurs : les assureurs , les mutuelles et la famille paritaire . Mais ils ne sont pas tous d ’ accord sur le phénomène de dépendance et ce qu ’ on appelle la perte d ’ autonomie . Ils ne veulent pas se faire dicter par les pouvoirs publics les critères de dépendance . Donc aujourd ’ hui , nous sommes dans l ’ incapacité
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