ACTES FIAPA | Page 22

promenade . J ’ aurai toujours en tête cette maman qui a veillé , sur les marches du Centre Universitaire Méditerranéen ( CUM ) qui donne sur la promenade , le linceul recouvrant son petit garçon de 4 ans .
On avait réussi à la dissuader d ’ aller le voir parce qu ’ il était littéralement écrasé . Et d ’ un autre côté , on pouvait comprendre qu ’ elle veuille tenir la main de son enfant … Voilà , on a veillé leurs morts comme ça , avec un certain nombre de familles .
Mais qui appeler à ce moment-là ? On a des amis , spontanément , qui se sont présentés . Mais c ’ est le 14 juillet , les gens sont en vacances , le personnel n ’ est pas forcément présent , il est 23 heures quasiment . Donc c ’ est le bouche à oreille . Les uns et les autres se sont présentés ; des travailleurs sociaux , des secouristes bien sûr , du personnel de santé . La difficulté c ’ est le recensement . Les services de l ’ État nous ont rejoints , mais imaginez quelque chose où tout le monde est sidéré , par quel bout commencer ? Au petit matin , les services de l ’ État sont venus avec des registres . Mais les premières heures , tout le monde est arrivé très vite , les équipes de l ’ État d ’ assistance aux victimes ont été absolument extraordinaire . On a eu la chance d ’ avoir des équipes , le SAMU , les pompiers qui étaient prêts , Parce qu ’ on avait le Plan Blanc 3 mois avant . La réflexion et la révision était terminée un mois avant . Toutes les équipes de santé étaient opérationnelles car elles avaient toutes le Plan Blanc en tête . Il n ’ y a jamais eu d ’ attente dans les services hospitaliers , tout était vraiment rôdé . Tout le monde était prêt pour l ’ attribution des gros secours . Mais quand vous êtes sur un champ de morts et de blessés graves , vient toujours la question du masque : est-ce-que je le retire , est-ceque j ’ en mets un autre , est-ce-que je m ’ acharne sur quelqu ’ un qui est en arrêt ou est-ce-que je vais voir celui qui est en hémorragie grave et que je peux encore secourir ? Je peux vous dire que dans les équipes du SAMU , encore maintenant , car j ’ en fais partie , il ne passe pas une semaine sans qu ’ on en parle . Et je crois que ça hante tout le monde , y compris les pompiers . Il y avait des jeunes pompiers qui pensaient : qui aller secourir ? Il y a tellement de personnes . À l ’ hôpital , la connaissance du Plan Blanc a grandement servi .
Il faut un Plan , que l ’ on l ’ appellera d ’ une autre couleur , social et d ’ assistance parce qu ’ on n ’ a pas le temps de se poser des questions . Il se trouve que je suis médecin au SAMU , j ’ ai donc monté mon centre d ’ accueil social , comme j ’ aurais monté un accueil avancé de blessés , avec les différentes équipes : les travailleurs sociaux d ’ un côté , les psychologues qui se sont présentés spontanément , qui ont pris en charge une équipe , ceux qui réconfortaient et puis avec la protection civile et toutes les équipes de la Croix-Rouge pour réconforter , changer parfois , aider , manger , boire aussi . Il y en a qui sont restés un certain temps sur place . Ceci a été organisé comme ça .
Après , il y a la suite . L ’ identification est absolument indispensable parce que c ’ est la reconnaissance de victimes qui compte . Si la personne n ’ est pas sur le registre et qu ’ elle se présente une semaine après sans avoir été blessée et qu ’ elle n ’ a pas été enregistrée , cela peut être une catastrophe . D ’ abord , parce qu ’ elle doit faire des démarches énormes pour être reconnue , et ensuite , parce que son enregistrement permet la reconnaissance du psycho-traumatisme .
Après vient la question , qui fait partie de nos travaux aussi , qu ’ est-ce-que le psycho-traumatisme , jusqu ’ où cela a vat il impacté ? Car sur la Promenade des Anglais , il y avait des milliers de personnes … On ne peut pas reconnaître ce millier de personnes psycho-traumatisées au sens de l ’ indemnisation . Et pourtant , il y en a qui le justifiait . J ’ ai en tête un couple , les premiers secouristes , des médecins du Samu . Elle , infirmière réanimatrice , lui , médecin urgentiste au Samu . Ils avaient juste leurs petites mallettes et sont arrivés parmi les premiers sur les lieux . On leur a dit qu ’ il n ’ était pas psychotraumatisés . Cela a fait éclater la famille . Il a démissionné du Samu dans les 3 mois qui suivaient , il ne voulait plus voir de malade . Pour elle cela a été la même chose puisqu ’ elle ne pouvait plus entendre les doléances des malades . Le couple a explosé . Ils ont fait des pieds et des mains pour être reconnus psycho-traumatisés . C ’ est enfin tombé il y a un mois ou deux . Il y a aussi le personnel qui n ’ est pas pris en compte : les urgentistes , les infirmières et le personnel de l ’ hôpital Lenval qui ont vu arriver des enfants déchiquetés . Eux n ’ ont plus , ne sont pas pris en compte dans le psycho- traumatisme . C ’ est un problème qu ’ il faut évoquer . On vous dit que vous êtes dans le cadre de votre profession , cela rentre en accident professionnel , en maladie professionnelle . Mais c ’ est une indemnisation de rien du tout .
Vous avez des gens qui ont arrêté de travailler ce jour-là . On ne peut pas leur dire de retourner travailler . Ce n ’ est pas possible . Il faut expliquer à tous ceux qui nous entourent , y compris aux professionnels , aux employeurs , ce qu ’ est le psycho-traumatisme , et que vraiment , on doit en tenir compte , même si après il faut prendre en charge et accompagner . On a mis en place un guichet . Il aurait fallu une maison , un endroit facilement repérable par tout le monde pour que les gens puissent faire leurs démarches par la suite , que ce soit malheureusement des démarches
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